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Paris (AFP) – Sheikh Issa: the surprising influence of African faith healers in football

Le football et les guérisseurs africains

« Il y a beaucoup de jalousie dans le football, » a déclaré Sheikh Issa, tenant un morceau d’écorce et une bouteille d’une potion jaunâtre.

C’est pourquoi de nombreux joueurs professionnels se rendent chez le guérisseur de la foi africaine dans les banlieues parisiennes à la recherche de moyens pour se protéger du « mauvais œil » et d’autres afflictions. Depuis que le vainqueur de la Coupe du Monde, Paul Pogba, a été accusé de jeter des sorts à son coéquipier français Kylian Mbappe, le rôle étonnamment influent des guérisseurs ou « marabouts » folkloriques dans le jeu a commencé à voir le jour.

« C’est ce que j’utilise pour traiter un joueur qui se blesse régulièrement dans les grands matches, » a déclaré Sheikh Issa, dont nous avons changé le nom à sa demande. Il était vraiment « déprimé et j’ai dû nettoyer son étoile », a déclaré le « praticien traditionnel » né en Côte d’Ivoire, qui prétend être capable de « voir le passé et le futur ». Avec autant d’argent en jeu, et des carrières pouvant se terminer sur une seule attaque, les athlètes d’élite « font régulièrement appel à des sorciers et au paranormal », a déclaré Joel Thibault, pasteur évangélique et conseiller spirituel de l’attaquant français Olivier Giroud et d’autres athlètes de haut niveau. Tout cela s’était discrètement éloigné du public jusqu’à ce que Pogba – dont les parents viennent de Guinée – soit victime d’une tentative d’extorsion par certains de ses proches l’année dernière.

Son frère a plus tard affirmé que Pogba avait payé un sorcier pour jeter un sort à Mbappe, mais l’ancienne star de Manchester United et le guérisseur ont affirmé à la police qu’ils n’avaient rien fait de tel.

Le marabout a déclaré que les paiements substantiels que Pogba lui a faits étaient pour « de bonnes actions en Afrique ».

Avec trois Français sur dix enclins à croire en une sorte de sorcellerie, selon un sondage de 2020, l’AFP enquête sur ce monde clos depuis un an. Nous avons découvert comment les guérisseurs de la foi sont « à moitié craints et à moitié méprisés » – comme l’a souligné un anthropologue – et pourquoi ils ont une telle influence dans certaines communautés.

‘Un don’

Sheikh Issa porte des jeans dans la rue, mais lorsqu’il accueille ses clients dans son cabinet, il arbore une longue robe boubou africaine. « Je ne crois pas aux gris-gris ou aux amulettes, je crois au Coran et aux plantes, » a déclaré le quadragénaire, qui dirige également une entreprise de nettoyage.
Les outils de son métier sont disposés autour de lui dans une vingtaine de bouteilles et de sacs en plastique – écorce d’arbre qui vous protège du « mauvais œil », graines broyées qui « vous portent chance », et des potions pour « ajouter de l’éclat » et du charisme aux « politiciens, avocats et hommes d’affaires » qui viennent le voir pour « être aimés et admirés ». Le guérisseur africain de la foi Sheikh Issa prend des notes géomantiques lors d’une consultation près de Paris.

Et bien sûr, des remèdes pour améliorer « la puissance sexuelle », a-t-il dit en pointant une autre bouteille. La France est un « pays stressant et certaines personnes sont faibles au lit », a ajouté le sheikh, un peu honteusement. Par la suite, ils appellent et disent: « Merci, Sheikh. »

Sheikh Issa a « reçu le don » de sa mère « qui lisait les coquillages » et de son père, qui est imam. Il s’est formé auprès de guérisseurs en Afrique de l’Ouest – où les gens consultent souvent des marabouts – après avoir étudié dans une école coranique.
Il a déclaré que sa réputation a décollé lorsqu’il « a aidé » un politicien à devenir ministre du gouvernement. Ses trois téléphones vibrent constamment de messages.

La plupart des clients du sheikh – qui insiste sur le fait qu’ils ne paient que le coût de l’importation de ses plantes et de ses frais de déplacement – sont principalement africains et sud-asiatiques, bien que certains viennent des Antilles françaises et de France elle-même.

Un jour d’été où l’AFP a visité son cabinet, une jeune femme comorienne « qui vit avec des esprits et se fait du mal » l’attendait avec « un Marocain désespéré » au sujet de sa boulangerie défaillante. « Les gens ne parlent pas quand ils viennent pour la première fois, » a-t-il dit. « Je dois deviner » ce qui ne va pas. Certains ont des problèmes à la maison ou au travail, ont des problèmes de santé ou recherchent « l’amour de leur vie », a-t-il dit.

« Tout le monde a son étoile »

Les guérisseurs, principalement d’Afrique de l’Ouest, opérant en France – qui se considèrent comme des guérisseurs de l’âme – ont appris à s’adapter aux malheurs de leurs clients français. Beaucoup viennent à eux comme d’autres iraient chez un psychologue ou un voyant, selon des experts.
L’anthropologue Liliane Kuczynski, auteur du livre définitif « Les marabouts africains à Paris », a constaté que les clients proviennent d’un large éventail social, des migrants sans papiers aux diplômés et enseignants.
« Loins d’être obscures et marginales, les croyances en la superstition et le paranormal sont devenues un phénomène majoritaire constamment en augmentation », a constaté la société de sondage français Ifop en 2020.

Certains marabouts sont comme des psychothérapeutes… tandis que d’autres sont des escrocs, » a déclaré l’anthropologue Jean-Pierre Olivier de Sardan du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS).

Certains viennent d’une tradition soufie avec une profonde « culture religieuse et un désir d’aider », a-t-il déclaré, mais d’autres ne savent guère plus que « quelques sourates du Coran et en tirent le maximum pour leurs victimes », a-t-il ajouté. Toute personne affirmant avoir le don et une certaine connaissance de l’islam, de la divination et de la miracle peut se qualifier de marabout. Certains facturent pas plus d’une douzaine d’euros pour un rendez-vous, bien que le prix puisse monter à plusieurs centaines ou milliers pour un sacrifice, voire des dizaines de milliers dans certains cas.

Thérapeute, Assa Djelou, reçoit régulièrement des clients déçus par les marabouts.

Elle a déclaré que certains avaient une emprise « dangereuse » sur les gens. Au lieu de « faire face à la réalité », les guérisseurs convainquent les gens que leurs problèmes « ont été causés par des sorts…. »

« Les esprits travaillent sur moi »

Raymond, 61 ans, venait d’arriver dans le cabinet de Sheikh Issa. Le sheikh a lentement serré sa main, pressant son pouce pour « tester l’énergie… Je sens qu’elle est en colère, que les choses ne vont pas bien. »

Puis Raymond a pris un stylo et l’a porté à ses lèvres sans dire un mot. Dans le silence, le sheikh a écrit dans son carnet, puis a tracé quelques lignes entre les lettres pour évoquer les « 16 esprits » en utilisant une technique appelée géomancie.

« Mes oreilles sont chaudes, je sens une barre au milieu de mon front », a-t-il dit à son client. « Les esprits travaillent sur moi. »