D’après une récente étude, 71% des utilisateurs d’applications de rencontres seraient favorables à ce qu’une intelligence artificielle amorce les premiers messages.
“Sur Tinder, une trentaine de femmes ont chatté avec l’intelligence artificielle alors qu’elles pensaient discuter avec moi.” C’est ce qu’Anis Ayari, ingénieur en intelligence artificielle et youtubeur, a révélé. Sur sa chaîne Defend Intelligence, il décrit les tendances liées aux nouvelles technologies. Son dernier test consistait à déterminer si une intelligence artificielle comme ChatGPT – le célèbre robot conversationnel d’OpenAI – peut séduire de manière crédible sur une application de rencontres comme Tinder. Une fonctionnalité encore inexistante sur la plupart de ces plateformes.
Pour mener à bien cette expérience, l’ingénieur a programmé la messagerie de son profil Tinder pour qu’elle soit connectée à ChatGPT, permettant ainsi au robot de discuter avec les femmes de l’application. « Je ne permettais pas à ChatGPT de discuter avec les utilisatrices pendant plus de 24 heures. Passé ce délai, je les informais qu’elles avaient échangé avec une IA », explique Anis Ayari. « Ensuite, je leur demandais si elles s’en étaient rendu compte. Sur la dizaine qui a accepté de me répondre, aucune ne l’avait remarqué », souligne le youtubeur. En tout, près d’une trentaine de femmes ont dialogué avec ChatGPT via le compte d’Anis Ayari. « D’après mes observations, le chatbot se basait sur les éléments de ma bio pour initier la conversation », précise l’ingénieur.
Cette expérience, bien que surprenante, suscite l’intérêt de nombreux internautes. Selon une étude menée en ligne par la marque de cybersécurité Norton en avril dernier, 64% des adeptes des rencontres en ligne sont prêts à utiliser l’IA. La plupart des sondés utilisent ces applications en moyenne six heures par semaine et peuvent dépenser environ 300 dollars par mois. Étant donné cet investissement, ils sont donc favorables à 71% à ce que l’IA rédige des messages de séduction pour eux ou des introductions de conversation, à 70% pour qu’elle améliore leur profil et à 64% pour qu’elle retouche leurs photos.
L’IA perçue comme « une béquille » par les utilisateurs
Pour l’ingénieur, ce type d’intelligence artificielle, bien que limité dans son utilisation, pourrait être simplement un outil d’aide pour l’utilisateur. « En effet, initier une conversation sur une application de rencontres constitue une tâche répétitive, car à chaque nouveau ‘match’, l’utilisateur doit se présenter à nouveau. »
Cette analyse est partagée par Anne Cordier, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication. « L’IA est perçue comme une béquille par ces utilisateurs qui peuvent avoir du mal à entrer en contact avec l’autre virtuellement. » Une technologie qui pourrait donc séduire les 20-30 ans, fatigués par les tâches répétitives telles que se présenter à de multiples reprises sans forcément obtenir de réponse. C’est ce qu’on appelle la « fatigue des rencontres », comme le souligne la sociologue Christine Detrez, auteure de l’ouvrage « Crush ».
« Une standardisation de la rencontre amoureuse »
Ce constat est partagé par les applications de rencontres elles-mêmes. À l’instar de la fondatrice et ancienne PDG de l’application de rencontres Bumble, Whitney Wolfe Herd, qui envisage un avenir où l’IA servira de « concierge de rencontres » pour les utilisateurs de ces plateformes.
Les humains n’auraient plus besoin de se creuser la tête pour repérer des profils sur les applications et potentiellement être déçus, des avatars dotés d’IA s’en chargeraient. Ils échangeraient entre eux via l’application avant de signaler aux utilisateurs si une rencontre dans la réalité pourrait être intéressante. « Vous n’aurez pas à parler à 600 personnes. Ce concierge pourrait explorer tout San Francisco pour vous et vous dire ‘voici les 3 personnes que vous devriez vraiment rencontrer' », a expliqué l’entrepreneuse. L’objectif est que les utilisateurs passent plus rapidement du virtuel à l’authentique.
Cette perspective soulève cependant de nombreuses questions éthiques. « Alors que l’on veut lutter contre l’uniformisation des rencontres sur les applications, avec de tels dispositifs, on se dirige vers une standardisation totale de l’amour », souligne Anne Cordier. « Il n’y a plus vraiment de place pour la personnalité ou la découverte, et en vérité, on repousse sans cesse un peu plus le saut dans l’inconnu », conclut la chercheuse.