TÉMOIGNAGES – Ras-le-bol, déception, désillusion. Ces mots résument le sentiment de nombreux électeurs en France, y compris parmi les CSP+, qui ont décidé de donner leur voix au Rassemblement National (RN) lors des élections européennes. Parmi eux, Hervé*, un septuagénaire résidant en banlieue parisienne, qui a pour la première fois de sa vie glissé un bulletin RN dans l’urne. Un choix motivé par une série de constats alarmants, mais aussi par un besoin de changement radical dans la politique française.
En 2022, Hervé avait pourtant opté pour Emmanuel Macron lors du second tour de la présidentielle, préférant le candidat du mouvement En Marche à Marine Le Pen. Mais deux ans plus tard, le constat est amer. «C’est le bazar partout en France, dans les lycées, dans les hôpitaux… L’insécurité est de pire en pire», déplore-t-il. Les récents événements, tels que l’assassinat de Samuel Paty, les attaques contre des fourgons pénitentiaires ou le laxisme envers les étrangers en situation irrégulière, ont renforcé chez lui le sentiment d’urgence à agir.
Malgré ces préoccupations croissantes, Hervé n’avait jamais envisagé de voter pour le RN avant cette année. «Je n’ai pas trop confiance en Marine Le Pen. Ça fait longtemps qu’elle est là, elle était avec son père…», avoue-t-il. Cependant, c’est bel et bien le portrait de la candidate actuelle, plus jeune et moins controversée, qui l’a rassuré. Jordan Bardella, le nouveau visage du parti, incarne pour lui une certaine nouveauté dans le paysage politique français. « Il est jeune, dynamique, il a de bonnes idées. C’est ça qu’il nous faut », affirme-t-il.
Et Hervé n’est pas le seul à avoir basculé dans le camp du RN. De nombreux «nouveaux» électeurs, parmi lesquels figurent des cadres supérieurs, des chefs d’entreprise ou des professions libérales, ont rejoint les rangs du parti pour diverses raisons. Certains déçus par la politique menée depuis des années, d’autres séduits par les discours de fermeté sur l’immigration et la sécurité. «On en a marre des discours creux, on veut du concret. Le RN propose des solutions concrètes, c’est ça qui nous plaît», témoigne Claire, une entrepreneuse de 45 ans, désormais convaincue par le parti d’extrême droite.
Pour ces nouveaux électeurs, le choix du RN est aussi une manière de marquer un coup d’arrêt aux partis traditionnels, jugés responsables du «désastre» actuel. «On en a assez de voir les mêmes têtes depuis des décennies, rien ne change. Il est temps de donner une chance à de nouvelles personnes, de nouvelles idées», lance Jérôme, un cadre supérieur de 50 ans, qui a voté pour la première fois RN cette année.
Dans un paysage politique français en pleine mutation, marqué par l’impopularité des partis traditionnels et la montée en puissance des formations populistes, le Rassemblement National semble séduire une nouvelle catégorie d’électeurs. Des profils variés, des motivations diverses, mais une même volonté de changement radical. Est-ce là le début d’une ère nouvelle en politique française? L’avenir le dira.