NOUVEAUTÉ – La troisième génération du pur-sang alsacien succombe à l’électrification, sans renier son héritage.
Ferdinand Piëch, décédé en août 2019, l’homme qui avait relancé la marque Bugatti au début des années 2000, n’aurait sans doute pas désavoué la dernière création de la maison alsacienne. Pour qualifier cette troisième génération de modèles revendiquant une puissance de 1 800 chevaux et une vitesse de pointe de 445 km/h, il va sans doute falloir inventer de nouveaux superlatifs. Alliage de sportivité, de luxe et d’élégance, ce nouveau véhicule, le premier développé entièrement sous la bannière de la firme croate Rimac, repousse un peu plus loin les frontières du sensationnel. Résultat de nombreux débats, cette nouvelle voiture innove sur bien des points.
Si elle se place dans la lignée de ses devancières – Veyron et Chiron – en restant fidèle au concept de berlinette, elle renonce au W16 gavé de turbos, au profit de la technologie hybride rechargeable, mais aussi aux noms d’anciens pilotes de la marque pour une dénomination renvoyant au summum de l’horlogerie. Avant même le début de la production en 2026, la série de 250 unités est déjà épuisée, malgré un ticket d’entrée de 4,56 millions d’euros, hors options.
Des codes immuables
À ceux qui reprochent une évolution de style trop mesurée, les designers tranchent en comparant la Bugatti à la Porsche 911 et au smartphone Apple, des icônes qui ont toujours privilégié les petits ajustements aux grands chambardements. Si l’on retrouve l’encadrement des portes de la cellule monocoque en arc de cercle et l’arête centrale, qui traverse la voiture, la carrosserie bicolore et l’immuable calandre en fer à cheval, les lignes toujours équilibrées apparaissent plus tendues, les portes s’ouvrent en ailes de mouette et l’aérodynamique a été entièrement repensée.
Autour d’une base de pare-brise et d’une voiture abaissées respectivement de 45 et 33 mm, la gestion des flux d’air et du refroidissement a fait l’objet de développements particuliers. Le soubassement caréné fonctionne avec des flancs creusés, un imposant diffuseur arrière logeant les énormes tuyères d’échappement et des ailes arrière qui n’enveloppent pas la totalité des pneumatiques XXL développées par Michelin. Grâce à l’emploi de matériaux légers et composites, notamment des bras de suspension en titanium et des essieux multibras en aluminium forgé, le poids n’excède pas 1 995 kilos.
Le cœur de la Tourbillon, c’est sa mécanique d’exception. À la place du W16, les ingénieurs Bugatti ont opté pour un V16 atmosphérique de 8,3 litres développé avec Cosworth et affichant une puissance de 1 000 ch à 9 000 tr/min et un couple de 900 Nm. Il est associé à trois moteurs électriques de 250 kW chacun, deux à l’avant et un à l’arrière. Les quatre motrices sont ainsi disponibles en mode électrique. Les machines électriques sont alimentées par une batterie en T de 25 kWh (système 800 V) intégrée à la monocoque et placée sous le tunnel central. Elle autorise une autonomie électrique de l’ordre de 60 km, ce qui permet à la prochaine Bugatti de répondre aux prochaines législations interdisant le centre des grandes villes aux véhicules thermiques.
Selon les règles en vigueur, les émissions de CO2 sont comparables à celles d’une banale citadine: à peine 120 g/km. Par contre, avec 1 800 ch à l’appel du pied droit, les performances sont d’un autre niveau. Les accélérations vont entraîner les occupants dans un tourbillon d’émotions: les 100 km/h en moins de 2 secondes; les 200 km/h en moins de 5 secondes et les 400 km/h en moins de 25 secondes, c’est-à-dire 7,6 secondes de moins que pour la Chiron.
L’univers des complications horlogères
Conçu comme une œuvre d’art, le traitement de l’habitacle va réveiller tous les sens. Au moment où tous les constructeurs se sont engagés dans une compétition au plus grand écran numérique, Bugatti prend le contrepied avec une instrumentation développée par des horlogers suisses et inspirée du tourbillon, la complication du siècle des Lumières imaginée voici plus de deux cents ans par Abraham-Louis Breguet. Le soin du détail a été porté à un niveau jamais atteint auparavant sur une automobile. Est-ce encore une automobile? Au-dessus du centre du volant à moyeu fixe, une autre innovation, est arrimée une plaque en aluminium pesant à peine 700 grammes. Elle accueille les trois cadrans de l’instrumentation, soit 600 pièces mixant le titane et les pierres précieuses telles que le saphir et le rubis. Ce squelette d’alliage supporte une tolérance de 50 microns. La console centrale verticale qui prend naissance à la base du pare-brise est une autre pièce d’orfèvrerie.
Mélange de cristal et d’aluminium, elle recèle des boutons rotatifs et à impulsion commandant les principales commandes du véhicule, de la climatisation à la transmission à double embrayage à 8 rapports, en passant par sa mise à feu. Au sommet de cette pièce se cache l’écran multimédia. Il se déploie en 2 secondes et peut, selon son choix, basculer en format paysage ou portrait. Enfin, les sièges baquets sont fixes, à part le réglage des dossiers, et la position de conduite se définit à partir du volant et du pédalier réglables électriquement.
Les quatre dernières générations de Bugatti réunies: EB110, Veyron, Chiron et Tourbillon.