Viktor Orban, qui a annoncé dimanche le lancement d’un nouveau groupe à Strasbourg, va faire de cette présidence semestrielle une tribune politique.
La première présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne, qui débute ce lundi 1er juillet, suscite des interrogations et des inquiétudes parmi les dirigeants européens, les eurodéputés et les diplomates. La Hongrie est loin d’être le meilleur élève de l’UE. Elle a été sanctionnée à plusieurs reprises pour ses violations de l’État de droit : atteinte aux droits des personnes LGBT et des demandeurs d’asile, insuffisances dans la lutte contre la corruption… Dix-neuf milliards d’euros de fonds européens sont gelés par la Commission.
Proche de Vladimir Poutine, Viktor Orban multiplie les provocations contre l’« Europe mainstream ». Le slogan de sa présidence est clair : « Make Europe great again. » Une référence explicite à Donald Trump, que le leader hongrois souhaite voir revenir à la Maison-Blanche. Malgré l’exclusion de son parti, le Fidesz, du PPE en 2021, Orban a signé un manifeste dimanche à Vienne en vue de la création d’un nouveau groupe parlementaire à Strasbourg, baptisé Patriotes pour l’Europe. « Les citoyens européens veulent la paix, l’ordre et le développement. Tout ce qu’ils obtiennent de l’élite bruxelloise actuelle, c’est la guerre, la migration et la stagnation », a-t-il affirmé.
Aux côtés des membres fondateurs, on retrouve l’ancien Premier ministre tchèque Andrej Babis, dont le parti, Ano, a quitté les libéraux de Renew, ainsi que le FPÖ autrichien dirigé par Herbert Kickl. Cette formation était jusqu’à présent affiliée au groupe Identité et démocratie (ID), où siège le RN. Marine Le Pen a-t-elle donné un coup de main au dirigeant hongrois, qui a besoin de 23 élus issus de 7 pays pour former son groupe ? « Le Parlement européen, c’est un peu comme le football. Si on peut se prêter des joueurs, on le fait », confiait un élu RN samedi.
Les Patriotes pour l’Europe comptent déjà 23 élus et des partis d’au moins 4 autres pays, notamment d’Europe centrale, sont prêts à les rejoindre. Reste à savoir si les 30 eurodéputés du RN et/ou les 20 élus du PiS polonais, qui siègent avec Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, rejoindront également ce mouvement. « Notre objectif est de devenir le groupe de droite le plus puissant de la politique européenne », a déclaré Orban.
La présidence hongroise suscite des craintes et des surveillances. Le Premier ministre belge, Alexander De Croo, a lancé un avertissement jeudi. « La présidence ne signifie pas que vous êtes le chef de l’Europe. Il s’agit de trouver des compromis. C’est une position intéressante. Je peux certainement la recommander à M. Orban », a-t-il ironisé. Les Hongrois, de leur côté, tentent de rassurer les Européens. « Ce sera une présidence comme les autres. Nous serons des médiateurs honnêtes et nous essaierons de coopérer sincèrement avec les États membres et les institutions de l’UE », a déclaré l’ambassadeur Odor Balint.
En cette période de transition institutionnelle, les risques de conflits au Coreper (où siègent les ambassadeurs de l’UE) et au sein des différentes formations du Conseil (où les ministres de l’UE se retrouvent) sont relativement faibles, sauf imprévu. Selon un diplomate, le gouvernement hongrois aurait veillé à « nettoyer l’agenda » en approuvant finalement de nombreuses mesures auxquelles il était opposé.
« Ils ont laissé passer la Conférence intergouvernementale sur les négociations d’adhésion de l’UE à l’Ukraine, le quatorzième paquet de sanctions contre la Russie, les engagements de sécurité UE-Ukraine (non contraignants, NDLR) et ils vont laisser passer le régime de sanctions sur les activités déstabilisatrices russes », énumère le diplomate. Budapest aurait promis de ne pas entraver les futurs travaux sur le pacte migration et asile, bien qu’ils y soient opposés.
Saboter cette présidence ne serait pas dans l’intérêt de la Hongrie. Ce serait risquer de compromettre les grandes lignes politiques d’Orban et de nuire à certaines des priorités qu’il souhaite voir avancer au cours des six prochains mois. Parmi celles-ci, la compétitivité de l’UE, mise en avant alors que le pays traverse des difficultés économiques importantes. Le renforcement des partenariats avec le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord pour lutter contre l’immigration illégale, « l’avancement des relations » entre l’UE et la Turquie, la crise démographique, etc. Budapest souhaite également mettre en lumière les pays des Balkans occidentaux qu’il souhaite voir rejoindre l’UE. Viktor Orban critique différence de traitement entre l’Ukraine et ces pays.