Publié lundi soir, le morceau de rap de dix minutes aux accents complotistes et violents a fait beaucoup réagir. Les rappeurs y assument leur «haine» contre l’électorat du RN et une «violence artistique».
Dans un morceau publié lundi soir intitulé «Non pasarán», un collectif d’environ dix rappeurs, parmi lesquels on retrouve Fianso ou Akhenaton, n’a pas hésité à appeler à voter pour le Nouveau front populaire et contre le Rassemblement national. «Venez on sort les baïonnettes ; si la gauche passe on sort les bails honnêtes (sic)».
Réunis sous la direction du producteur et compositeur Djamel Fezari, alias DJ Kore, et du directeur artistique Ramdane Touhami, les rappeurs (Fianso, Akhenaton, Mac Tyer, Seth Gueko, Zola, Soso Maness…) ont commencé à composer ce morceau de près de dix minutes dès le lendemain des élections européennes, où le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête. Ils y expriment ouvertement leur «haine» envers «l’électorat» du RN et une forme de «violence artistique».
Les paroles des rappeurs se démarquent par leur grande violence et leurs insultes. «Jordan t’es mort», est répété à plusieurs reprises dans les premières secondes du morceau avant de traiter «Marine et Marion» de «p***» et de promouvoir «un coup de bâton sur ces chiennes en rut». Les rappeurs enchaînent avec des menaces explicites. «Baise la mère à Bardella». «Si les fachos passent, je les fais sortir avec un gros calibre». «L’intérieur de leurs âmes est fané, ils méritent de caner». «On vote contre les porcs».
Le rap encense également le tchétchène Ramzan Kadyrov, qui se bat aux côtés de la Russie de Poutine contre l’Ukraine, et s’en prend à l’imam Chalghoumi, menacé de mort en France pour défendre la voix de l’islam modéré. «J’recharge le kalachnikov, en Louis Vuitton comme Ramzan Kadyrov, nique l’imam Chalghoumi et ceux qui suivent le Sheitan (Satan, en arabe, NDLR) à tout prix», est-il chanté.
Ce morceau se caractérise également par ses accents complotistes. Les chanteurs visent à plusieurs reprises les «francs-maçons» ou les «illuminés» qui «contrôlent» le monde. En vrac : «C’est tous des francs-maçons» ; «Ils font du mal à nos enfants, on sait qu’ils veulent nous injecter une puce dans le sang» ; «Espèce de francs-maçons, tu te nourris du sang que tu consommes» ; «On sait qu’ils manipulent les statistiques».
Les rappeurs s’en prennent également à «Sheitanhayou» – que l’on peut comprendre comme Netanyahou -, célébrant la Palestine «de la Seine au Jourdain». «Les années 30 et leur odeur font leur come-back, normal que Sheitanhayou soit le blanc qui assure leur contact». Les auteurs du morceau déplorent qu’avec ces «mêmes paroles», ils étaient considérés comme «antiracistes et pacifistes» hier et comme «complotistes antisémites» aujourd’hui.
«On ne peut qualifier de ’punchlines incisives’ des propos infâmes qui devraient nous révolter tous», a écrit sur X le directeur de la Fondation pour l’innovation politique Dominique Reynié. «Le Nouveau nouveau front populaire. Ça donne envie, non ? J’espère que le parquet va se saisir de cette abjection», a également réagi Marine Le Pen sur X.
«Les fameuses ’punchlines incisives’ : des appels au meurtre, de la misogynie violente, de l’antisémitisme crasse et du complotisme. L’univers mental de l’extrême gauche est de plus en plus toxique», a lancé de son côté Jordan Bardella. Le Rassemblement national a par ailleurs annoncé porter plainte pour menaces de mort, injures, injures à caractère sexiste et provocation à la violence. «No restarán», a simplement rétorqué le président de Reconquête!, Éric Zemmour, sur les réseaux sociaux.
«Lorsqu’on apprend que le premier parti politique des jeunes est le RN, si nous ne réagissons pas, ce sera une faute grave de notre part (…) c’est notre façon de tracter», a assuré Ramdane Touhami à l’AFP. «C’est la nouvelle version de ’La jeunesse emmerde le Front national’», tirée d’un morceau vieux de 40 ans, toujours scandée dans les manifestations contre le RN, a aussi justifié Ramdane Touhami. En 1997, dix-sept artistes issus du rap français, dont Akhenaton, avaient composé «11’30 contre les lois racistes».
Avant le premier tour des élections législatives, d’autres chansons controversées ont été composées et relayées, à l’inverse, par les partisans du RN et les sympathisants d’Éric Zemmour. Le titre «Je ne partirai pas», relayé par le président de Reconquête ou l’ancien député frontiste Gilbert Collard et jugé raciste, a ainsi été supprimé de plusieurs plateformes telles que Youtube ou Tik Tok. «Tu partiras avec ta Fatma, pour toi fini le RSA (…), quand Bardella passera, tu retourneras chez toi, tu mettras ta djellaba, tu pourras prier toute la journée, tu commences à nous gonfler», était-il chanté en voix synthétique.