ANALYSE – Des tuiles des vacances à la perspective des paysages, les carnets de voyage s’imposent comme une activité manuelle idéale pour divertir les enfants lors de séjours en famille.
Quelques coups de crayon, un plan de ville maladroitement collé et des dessins approximatifs d’un monument… C’est tout le charme de ces « carnets de voyage » dans lesquels nous racontons nos vacances. À une époque où nous partageons nos excursions en masse sur les réseaux sociaux, revenir au papier devient une alternative ludique lorsqu’on visite un pays avec des enfants.
Un souvenir physique
« Ça fait longtemps que je ne l’ai pas regardé », murmure Jeromine Derigny en feuilletant son journal de bord élaboré lors d’un voyage familial d’un an en 2014, en Asie et en Amérique du Sud. Pour rendre l’expérience immersive pour ses trois filles, elle suggère la création d’un carnet de voyage familial. « La plus jeune avait trois ans, elle dessinait beaucoup. Je pense que c’était une bonne façon pour elle de traduire ce qu’elle voyait et ressentait, puisqu’elle ne savait pas encore écrire », reconnaît Jeromine.
Un cahier rempli « au feeling », agrémenté à chaque étape de collages de souvenirs, tels que des tickets de bus, mélangés à des croquis colorés. Le tout, consigné dans un carnet à spirale acheté en amont (plus pratique lorsque celui-ci s’épaissit, selon la mère de famille) et dont on ne discerne plus les lignes aujourd’hui. « Il était très important pour moi qu’elles gardent un souvenir physique de ce que nous avons vécu », confie Jeromine, dont l’une de ses filles étudie actuellement le graphisme.
Comme une « chasse au trésor »
« L’écriture et les dessins sont excellents pour le développement de l’enfant, car cela permet de digérer et de libérer des émotions sur le moment présent », confirme Lucie Rose, neuropsychologue spécialisée dans le développement de l’enfant. Avec un petit côté chasse au trésor, cette activité incite les plus jeunes à développer une curiosité pour les lieux, afin de les retranscrire plus tard à l’écrit. « C’est aussi un support qui favorise les échanges, sur place avec les parents, mais aussi une fois rentré, en présentant le carnet aux grands-parents ou aux amis », précise la professionnelle.
Lors de la relecture, ces notes ou illustrations offrent également une vision claire de l’instant vécu. « L’émotion éprouvée lors de la découverte de quelque chose diffère de celle ressentie en y repensant, car le cerveau reconstruit le souvenir. Le fait de le mettre sur papier permet de replonger de manière plus juste dans sa mémoire », développe Lucie Rose. L’impact est encore plus marqué pour les jeunes de 8 à 13 ans, qui peuvent, par exemple, constater leur progression par rapport à leur manière de décrire un événement, renforçant ainsi leur confiance en eux.
« Une occupation manuelle qui les éloigne des écrans »
Pour accompagner ces jeunes voyageurs, Isabelle Morin a créé WanderWorld en 2017, une start-up spécialisée dans les carnets de voyage ludiques. Après avoir proposé à ses propres enfants d’en tenir un lors d’un tour du monde en 2011, elle a constaté les effets positifs sur eux. À l’aide d’un ouvrage pré-construit et personnalisé pour chaque ville, elle propose une trame pour guider les petits explorateurs, avec des espaces texte/dessins, des autocollants, des encadrés informatifs sur la destination et des questions pour développer le récit. « C’est ce qui donne toute la valeur à l’objet, car leurs réponses seront complètement authentiques et mignonnes », sourit la responsable.
« À la fin, ils ont quelque chose de matériel et de concret en souvenir. Si on garde tout dans nos téléphones, on n’aura plus rien à aller chercher au grenier. Et puis, c’est une occupation manuelle qui les éloigne des écrans », explique Isabelle Morin, fondatrice de WanderWorld.
Cette papeterie culturelle séduit les hôtels, les campings, et même les compagnies aériennes. « Les professionnels nous en demandent beaucoup, car ça plaît et ce sont des cadeaux clients originaux », complète Isabelle Morin. Si le carnet de Paris est l’un de leurs plus grands succès, il est décliné sur d’autres destinations en France et à l’étranger (Londres, New York, Barcelone, etc.). L’année dernière, elle en a vendu près de 200 000 et les demandes ne cessent d’augmenter.
Malgré ses nombreux atouts, les ventes de carnets de voyage pour les plus jeunes restent modestes dans les boutiques spécialisées. « Ils se vendent moins bien que les guides de voyage pour enfants », relève la Librairie Voyageurs du Monde, à Paris. Même constat pour la librairie parisienne d’ouvrages jeunesse, L’Enfant Lyre. Cependant, la créativité semble être de mise, car à l’approche des vacances scolaires, ces boutiques affirment recevoir plusieurs demandes de parents à la recherche de simples cahiers pour que leurs enfants y racontent une future expédition.
À ÉCOUTER – Pourquoi il est très important de faire attention lors de la publication de photos de vacances sur les réseaux sociaux