Le ministère de la Culture a mis en place des groupes de travail pour moderniser les expositions permanentes de deux musées madrilènes. Cependant, les douze experts choisis pour mener à bien ce projet, spécialisés dans l’art racialisé, féministe, colonial et queer, interrogent la neutralité de leur démarche.
Le ministère espagnol de la Culture a annoncé le début d’une opération le 8 juillet visant à moderniser et enrichir la connaissance des collections des musées de l’Anthropologie et des Amériques à Madrid, dans le contexte des enjeux actuels, rapporte le quotidien conservateur ABC.
L’objectif est de mettre en œuvre les orientations de l’ICOM, seule organisation mondiale de musées et de professionnels, qui cherchent à mettre en lumière la diversité culturelle et la participation des populations locales à l’histoire mondiale, ainsi que le renouveau des muséographies.
Les comités consultatifs espagnols doivent rédiger un rapport technique avec des propositions sur les concepts, le scénario, la narration et la sélection des objets exposés dans ces deux musées. Ce rapport servira de base pour la rénovation des expositions permanentes des deux musées en 2025.
Les douze experts de ces commissions sont spécialisés dans l’art racialisé, féministe, colonial et queer, entre autres. Sandra Gamarra, artiste péruvienne, figure parmi ces experts et s’est engagée à rendre hommage aux cultures indigènes éliminées du récit colonial. Leur expertise diversifiée vise à construire un discours pluriel, en incluant des professeurs des principales universités, des artistes de renom et des représentants de diverses communautés.
Le ministre de la Culture espagnol, Ernest Urtasun, a déclaré devant le Congrès en janvier dernier son engagement à dépasser un cadre colonial ou ethnocentrique dans la politique culturelle. Ces déclarations ont suscité des réactions vives à droite, certains accusant le ministère de vouloir imposer une politique culturelle « woke » et attaquer la liberté et la diversité culturelle.
Cette initiative s’inscrit dans une tendance mondiale visant à décoloniser les collections des musées. Le musée Thyssen de Madrid accueille actuellement une exposition sur la mémoire coloniale dans ses collections, explorant les traces du colonialisme européen à travers ses œuvres. Une toile de Frans Hals y est exposée, mettant en lumière la présence d’un enfant noir dans un portrait de famille réalisé au XVIIe siècle.
En 2022, le prédécesseur d’Ernest Urtasun, Miquel Iceta, avait également initié un projet de décolonisation des collections. Malgré une polémique qui avait freiné sa mise en œuvre, le ministère de la Culture a décidé de rallumer la flamme de cette entreprise sous l’impulsion de son nouvel ministre.
En définitive, cette opération vise à affronter les enjeux actuels en matière de muséographie et à proposer une lecture plus inclusive et diversifiée de l’histoire. Les experts spécialisés dans l’art racialisé, féministe, colonial et queer veulent apporter une nouvelle perspective sur les collections des musées madrilènes, en mettant en lumière des récits jusqu’alors marginalisés.