ANALYSE – Pas toutes les souches d’E. coli se ressemblent. Certaines sont sans danger, tandis que d’autres sont hautement pathogènes. Il est crucial d’être extrêmement rigoureux en matière d’hygiène alimentaire.
D’un côté, on retrouve une bactérie inoffensive, qui réside tranquillement dans notre intestin et contribue au bon équilibre de la flore intestinale. De l’autre côté, il s’agit d’un microbe dangereux, responsable d’infections urinaires récurrentes, de méningites chez les nouveau-nés, de diarrhées aqueuses (telles que la fameuse « turista »), ainsi que du syndrome hémolytique et urémique (SHU), une affection particulièrement grave pour les jeunes enfants, causant des dommages rénaux sévères.
Il s’agit de la bactérie Escherichia coli. Découverte en 1885 par le pédiatre allemand Theodor Escherich, cette bactérie a rendu et continue de rendre de grands services aux scientifiques pour l’étude de la génétique et des mécanismes biologiques. Toutefois, ces dernières années, E. coli a surtout fait parler d’elle en raison de ses capacités à causer des intoxications alimentaires collectives, parfois mortelles.
En 2011, elle a infecté plusieurs milliers de personnes en Europe, principalement en Allemagne, provoquant une cinquantaine de décès. En 2022, en France, elle a contaminé des pizzas qui ont intoxiqué 56 personnes, dont 55 enfants. Deux d’entre eux sont décédés. Toujours en France, à la fin de l’année 2023, deux petites filles ont été admises en réanimation après avoir consommé du morbier au lait cru.
Pourquoi un allié inoffensif peut-il également être un dangereux microbe menaçant notre santé ? La différence est une question de souche, explique le Pr François-Xavier Weill, chef de l’unité des bactéries pathogènes entériques à l’Institut Pasteur : « Les souches d’E. coli responsables de maladies ne sont généralement pas les mêmes que celles qui habitent habituellement notre intestin. Ce sont des souches qui expriment des facteurs de virulence, notamment des toxines. » En fonction des facteurs en jeu, la maladie varie.
Les contaminations sont en hausse
Ainsi, les souches responsables d’infections urinaires possèdent des molécules à leur surface qui leur permettent d’adhérer aux cellules de la vessie ou des uretères. Les souches entérohémorragiques, qui ont causé les graves épidémies mentionnées précédemment et entraînent le SHU, possèdent également, en plus des facteurs d’adhésion à l’intestin, une toxine appelée shigatoxine. Similaire aux toxines des bactéries provoquant la dysenterie épidémique, elle est responsable de lésions vasculaires non seulement au niveau intestinal, mais également rénal voire cérébral.
Heureusement, les souches pathogènes d’E. coli restent minoritaires, la majorité étant inoffensives. Cependant, les souches entérohémorragiques sont de plus en plus présentes : les infections causées par celles-ci sont en forte augmentation depuis leur découverte dans les années 1980, en raison des systèmes de production agricole contemporains. « Ces souches ont naturellement pour réservoir le tube digestif des ruminants, comme les bovins », précise François-Xavier Weill. C’est pourquoi les produits impliqués sont généralement de la viande insuffisamment cuite, des produits au lait cru, ou plus rarement des végétaux crus contaminés par les ruminants.
Pour se protéger de ces infections, il est donc essentiel de bien cuire la viande hachée de bœuf, d’éviter de donner des produits au lait cru aux enfants de moins de 5 ans, et de respecter les règles d’hygiène : se laver les mains avant de préparer les repas, bien laver les légumes, et séparer la viande crue des autres aliments.