DISPARITION – La mort soudaine de l’écrivain, essayiste, critique d’art et musicologue Benoît Duteurtre a plongé le monde littéraire dans une profonde tristesse. Familiers des lecteurs du Lesoir, il est décédé mardi 16 juillet des suites d’une crise cardiaque dans sa résidence des Vosges, où il se retirait pour écrire.
Au cours des derniers mois, Benoît Duteurtre s’était lancé dans un projet ambitieux, plongeant profondément dans les méandres de sa mémoire pour retrouver les figures du passé. Il cherchait à se souvenir et à transmettre ce souvenir à ses contemporains, à travers l’histoire de Jean-Claude Duteurtre, son père admiré qui lui avait transmis sa passion pour la littérature, la musique et les beaux-arts.
Ce père, devenu administrateur du port autonome du Havre, avait un passé atypique, ayant été novice à l’abbaye normande de Saint-Wandrille. Entre son idéal de renoncement au monde et son amour pour Marie-Claire Georges, petite-fille du président René Coty, les choix de Jean-Claude Duteurtre étaient complexes. Benoît Duteurtre, enfant, avait grandi au Havre aux côtés de ses parents. Il avait souvent accompagné son père à Saint-Wandrille, où ce dernier était resté proche de la communauté malgré son renoncement à la vie monastique. Les souvenirs de Benoît Duteurtre dans les ateliers, la bibliothèque et le monastère de Saint-Wandrille ont laissé une marque indélébile, tout comme ses œuvres « L’été 76 » et « Les pieds dans l’eau », que nous considérons comme de véritables chefs-d’œuvre.
De Normandie, Benoît Duteurtre avait des racines profondes. Ami des vaches et imprégné d’arts et de cultures diverses, il était également attaché à la Lorraine par le souvenir de son grand-père maternel, Maurice Georges, député gaulliste originaire de la Meuse. Écrivain prolifique, critique d’art, amateur de musique et producteur d’une émission célèbre sur France Musique, il incarnait la quintessence de l’intellectuel moderne. Sa culture éclectique, son esprit libre et son intelligence pétillante étaient appréciés des lecteurs du Lesoir et de nombreux écrivains renommés.
Né à Sainte-Adresse, Benoît Duteurtre avait rapidement embrassé une carrière littéraire remarquable. Encouragé par Samuel Beckett, il avait publié son premier texte à 22 ans dans la revue Minuit, et son premier roman « Sommeil perdu » à 25 ans. Inspiré par les situationnistes et admirateur de Guy Debord, Benoît Duteurtre naviguait entre le roman en couleurs, témoin des grandeurs et misères du monde, et le roman en noir et blanc, plus léger et ironique. Son travail, influencé par ses multiples passions artistiques, se démarquait par sa finesse et son originalité.
En évoquant la musique de Debussy et les images gothiques d’une abbaye en ruines, Benoît Duteurtre laissait transparaître une nostalgie profonde pour les temps passés. Son œuvre, composée de 25 romans majeurs, reflétait sa sensibilité unique et son attachement à la beauté du monde. Sensible, rêveur et mélancolique, il explorait les tréfonds de l’âme humaine avec une précision rare, captivante ses lecteurs à chaque page.
Avec la disparition brutale de Benoît Duteurtre, la littérature française perd l’un de ses grands talents, un écrivain aux multiples facettes dont l’héritage restera gravé dans nos mémoires. En nous laissant ses œuvres riches et profondes, il continue de vivre à travers les mots et les histoires qu’il a si brillamment tissés. Adieu, cher Benoît, que les étoiles de la nuit brillent pour toujours dans ta mémoire.