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Rosa Romero vivait tranquillement dans sa modeste maison près de la plage au Salvador, sans jamais penser qu’un jour elle serait expulsée de chez elle. Cependant, le boom immobilier et touristique, fruit de la lutte anti-gangs du gouvernement, l’a poussée au bord du gouffre. À El Higueron, à 175 kilomètres de la capitale San Salvador, des centaines de Salvadoriens démunis risquent de perdre les maisons qu’ils ont construites il y a des décennies sur des terrains publics.
« Mes enfants et moi sommes très inquiets car une dame est venue prétendre qu’elle est propriétaire du terrain », se lamente cette mère célibataire de quatre enfants, qui fait face à une procédure d’expulsion. Sa maison est construite en tôle sur un sol en terre battue. À l’intérieur, pas de cloisons ni de vitres aux fenêtres. Ses fils de 22 et 16 ans pêchent pour subvenir aux besoins de la famille. « Nous vivons de la mer, et si nous devons partir d’ici, comment allons-nous survivre? » se demande-t-elle.
Rosa Romero avait 11 ans lorsqu’elle est venue vivre près de la plage avec sa sœur aînée et d’autres familles pauvres. La guerre civile sanglante du Salvador venait tout juste de se terminer. Les terrains appartenaient à l’État, et les autorités de l’époque avaient promis de donner des titres de propriété à ces familles, mais cela n’a jamais été fait. Depuis, la plage d’El Higueron, presque vierge jusqu’à récemment, attire les touristes et les surfeurs grâce à l’amélioration des conditions de sécurité suite à la « guerre » lancée par le président Nayib Bukele contre les gangs criminels qui régnaient en maîtres.
En août 2022, M. Bukele s’est rendu à Punta Mango, non loin de là, pour annoncer la construction d’une route menant à Surf City 2, une zone hôtelière qui inclut la plage d’El Higueron. Des panneaux « Terrains à vendre » et « Chambres à louer » jalonnent la route, où des ouvriers construisent des ponts sous un soleil de plomb. Environ 625 familles de la région risquent d’être expulsées, selon des organisations non gouvernementales. Les terrains près de la mer sont de plus en plus monopolisés par des groupes commerciaux, attirés par les touristes étrangers.
Les mégaprojets Surf City 2 et l’aéroport du Pacifique ont fait exploser le prix des terrains, qui est passé de 3 000 à 28 000 dollars l’hectare en seulement deux ans. Malgré le rachat des terrains par le gouvernement dans le cadre du projet de l’aéroport du Pacifique, les familles sans titres de propriété vivent dans la peur. Sur la plage d’El Zonte, à une centaine de kilomètres de là, environ 125 familles doivent également être expulsées en raison du projet Surf City 1.
Face à la plage, une femme tenant un stand de nourriture se lamente sur la perte imminente de sa maison et de son gagne-pain. Cette commerçante de 55 ans a récemment appris qu’elle devrait acheter sa nouvelle « petite maison » plutôt que de se la voir attribuée. Selon l’Institut d’opinion publique de l’Université centraméricaine, 13 familles sur 100 vivent dans l’incertitude quant à la propriété de leur logement. La directrice de l’Institut dénonce un processus de gentrification qui limite l’accès au logement pour les Salvadoriens.
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