LES ARTISANS DE L’INFLUENCE (2/5) – La conception de miniatures accrocheuses est devenue un incontournable pour attirer les internautes à cliquer sur une vidéo plutôt qu’une autre.
Une miniature mettant en avant les visages en gros plan étirés et surexposés du youtubeur Squeezie et de ses invités, l’acteur Omar Sy et l’artiste DJ Snake. Le tout avec un fond pastel et un titre accrocheur : « Serez-vous capable de trouver l’imposteur ? » Un peu plus loin sur la page d’accueil de YouTube, c’est la miniature du vidéaste Tibo InShape qui attire l’attention : un montage photo similaire, aux couleurs saturées, le montre serrant la main d’un bodybuilder.
Si ces miniatures accrocheuses ne vous disent rien, elles sont pourtant bien connues des plus jeunes qui parcourent YouTube à la recherche de divertissement. C’est même la première chose que voient les utilisateurs en se connectant sur la plateforme américaine. Le succès de celle-ci et la professionnalisation croissante des créateurs qui l’alimentent ont transformé sa page d’accueil en un immense catalogue de contenus.
Afin de se démarquer et de susciter l’envie de cliquer sur leur vidéo plutôt que sur une autre, les youtubeurs ont tout intérêt à créer la miniature la plus attrayante possible. Cette tâche est souvent confiée à un « miniamaker », spécialiste des miniatures YouTube. « Les miniatures sont devenues l’image de marque des youtubeurs », note le miniamaker Yann Dhote. « Surtout que, ces dernières années, YouTube a agrandi la taille des vignettes de sa page d’accueil. »
Mais alors, quelle est la recette pour attirer l’attention avec une miniature et la vidéo qu’elle illustre ? Selon la miniamaker Ornella, qui travaille pour une cinquantaine de créateurs, dont le youtubeur Dr Nozman et le streamer Domingo, « la tendance actuelle est aux miniatures de type ‘photo-manipulation’, c’est-à-dire un procédé qui consiste à recréer un décor ou une scène à partir de différents clichés ».
Au sein de ce petit milieu de miniamakers, le nom d’AziaTack, qui s’occupe des miniatures du youtubeur Inoxtag (7,85 millions d’abonnés), revient souvent. « Ses miniatures sont pratiquement des chefs-d’œuvre visuels. Il travaille beaucoup la peau des youtubeurs, qu’il retouche, en essayant de faire les poses les plus réalistes possibles », relate, admiratif, le miniamaker Aaron.
Les codes varient en fonction de l’audience captée par la chaîne du youtubeur. En raison de son large succès, Inoxtag peut se permettre des miniatures artistiques. Mais pour les chaînes moins connues, il est essentiel que « le contenu de la vidéo soit compris en une fraction de seconde », souligne Ornella. « Il y a des caractéristiques précises à respecter, comme mettre en avant les personnes connues sur la miniature et ajouter des éléments visuels qui intriguent. » Par exemple, lors de la création des miniatures du youtubeur culinaire Gastronogeek, son confrère Nellu repère le plat dont il parle dans la vidéo, afin d’adapter la colorimétrie de la vignette en fonction de celui-ci.
Parmi les outils appréciés de ces miniamakers, le logiciel Photoshop est un incontournable. Certains, comme Aaron, utilisent également l’intelligence artificielle pour gagner du temps sur les étapes fastidieuses. « Avec le logiciel Midjourney, par exemple, je peux générer immédiatement les objets qui me viennent en tête pour animer une miniature », détaille-t-il. « L’IA me permet de retoucher des photos de mauvaise qualité pour travailler sur une base saine ou encore créer des arrière-plans plus originaux en fonction des prompts que je vais soumettre au logiciel », ajoute son confrère Skybans.
Le métier de miniamaker est en pleine expansion depuis deux ans et l’apparition de nouvelles fonctionnalités sur la plateforme. « C’est un milieu en plein essor. Il y a un mois, par exemple, YouTube a lancé un module qui permet à un créateur de tester trois miniatures en postant sa vidéo », rappelle Nellu. « Elles sont équitablement distribuées par YouTube auprès des spectateurs, et il peut ainsi mesurer laquelle les a le plus incités à cliquer sur sa vidéo. Pour les miniamakers, cela représente des commandes potentielles supplémentaires ! »
Aaron, qui s’est lancé comme miniamaker à son compte en février, constate la même chose. En tant que free-lance, il a constitué un carnet d’adresses qui lui permet de se dégager un salaire mensuel. « Dès que j’ai créé mon autoentreprise, j’ai immédiatement reçu des commandes et je n’ai pas eu à démarcher une seule fois. »
Pour générer un revenu, il est nécessaire de produire un grand nombre de miniatures. « Je produis de 70 à 100 miniatures par mois », confie Skybans. La plupart partagent leur travail sur les réseaux sociaux. Des plateformes essentielles pour se faire connaître et décrocher de nouveaux contrats. La miniamaker Ornella, qui vit de son activité depuis deux ans, a été repérée grâce à son compte Instagram. « J’y postais des miniatures inspirées de mes séries télévisées préférées avant d’en faire pour des vidéos YouTube », conclut-elle, amusée.