L’ex-président des États-Unis a fait croire, grâce à des fausses images, que la chanteuse américaine le soutenait pour l’élection présidentielle.
Taylor Swift grimée en Oncle Sam et reprenant son célèbre slogan : « Taylor veut que TU ailles voter pour Donald Trump ». Cette image, partagée sur Truth Social, le réseau social de l’ancien président, laisse entendre que la chanteuse le soutient ouvertement pour sa réélection en novembre. Problème : cette affiche a été générée par une intelligence artificielle. Ce phénomène n’est plus isolé. Sur sa plateforme, Donald Trump publie régulièrement des images manipulées, où l’on peut aussi voir les fans de la chanteuse, connus sous le nom de « Swifties », porter des t-shirts aux couleurs de Make America Great Again.
S’il existe sans doute une grande diversité d’opinions politiques au sein de la communauté des « Swifties », l’icône de la pop n’a, elle, pas encore pris la parole concernant l’élection à venir. En 2020, elle s’était prononcée en faveur de la candidature de Joe Biden, et avait publiquement critiqué Donald Trump en affirmant que son « leadership inefficace » avait aggravé la crise dans laquelle se trouvait alors le pays.
Le soutien public de Taylor Swift est plus que convoité, car sa popularité est telle que son appui pourrait faire pencher la balance de la présidentielle 2024 d’un côté ou de l’autre. Plus de la moitié des adultes aux États-Unis se considèrent comme fans de la chanteuse, selon une étude de la société de veille économique Morning Consult. Alors, s’il est impossible d’avoir un tel soutien, autant prétendre le contraire avec ces fausses images. Mais la star peut-elle se retourner contre l’ex-président ?
Vide juridique
Aux États-Unis, aucune loi n’existe encore au niveau fédéral pour lutter contre ces faux contenus. Chaque État peut donc appliquer sa propre politique. Lorsque des images sexuellement explicites de Taylor Swift créées par intelligence artificielle sont devenues virales sur X cette année, les législateurs américains ont remarqué l’existence d’un vide juridique. Progressivement, ils ont introduit des propositions de loi visant à protéger leurs concitoyens contre ces dérives. Selon une étude de l’ONG britannique Center for Countering Digital Hate, au cours de l’année dernière, la désinformation générée par l’IA a augmenté en moyenne de 130% par mois sur le réseau d’Elon Musk, amenant la porte-parole de la Maison Blanche à sommer le Congrès de se pencher sur la question.
Le paysage juridique a depuis évolué : certains États se sont dotés de leur propre législation contre les deepfakes. En mars, le gouverneur du Tennessee a signé le ELVIS Act, une loi pionnière qui protège les artistes contre l’utilisation non autorisée de leurs œuvres par des IA. Ceux qui y dérogent s’exposent à des sanctions civiles pouvant aller jusqu’à 150 000 dollars par infraction et à des dommages-intérêts multipliés par trois en cas d’appropriation illégale de l’identité vocale d’un interprète.
Ce texte pourrait-il protéger Taylor Swift contre les hypertrucages visuels ? Rien n’est moins sûr. Récent, le ELVIS Act n’a aucun précédent dans sa mise en œuvre et se concentre essentiellement sur des fichiers audio générés par l’IA.
Les autorités américaines patinent
L’autorité compétente en matière de communications politiques, la Commission électorale fédérale, n’a de son côté toujours pas déployé de directives sur les fichiers générés par IA visant à influencer une élection. Elle compte imposer que les publicités télévisées et radiophoniques créées avec l’IA soient ouvertement étiquetées comme telles. Mais ces règles ne s’appliqueront pas aux publications des candidats sur les réseaux sociaux, même s’ils sont devenus un outil incontournable des campagnes électorales.
Au niveau national, plusieurs projets de loi sont tout de même à l’étude. Le Defiance Act, adopté au Sénat en juillet, pourrait permettre aux victimes de deepfakes de poursuivre en justice les personnes derrière ces images. Le texte doit désormais être voté par la Chambre des Représentants.