Derrière les imposants gratte-ciel de Bombay, la capitale financière de l’Inde, se cachent des centaines de bâtiments en ruine abritant des familles qui préfèrent risquer leur vie plutôt que de payer des loyers exorbitants. Chaque été, lors de la mousson qui s’abat sur la mégalopole côtière de l’ouest du pays, certains de ces bâtiments délabrés de l’époque coloniale s’effondrent, causant souvent des pertes humaines. « C’est comme voir un biscuit s’effriter après l’avoir trempé dans le thé », raconte Vikram Koli, un employé de bureau, se remémorant qu’il a échappé de peu à la mort en juillet lors de l’effondrement d’un immeuble de quatre étages.
Près de 850 logements sociaux sont considérés comme dangereux et délabrés. Un passant est décédé, quatre ont été blessés et les pompiers ont dû secourir treize personnes bloquées à l’intérieur. Un avis d’évacuation avait été émis en juin, mais les résidents ne l’ont pas pris au sérieux. Il y a trois ans, les autorités de la ville avaient signalé que le bâtiment, construit il y a plus de 100 ans et situé dans le quartier de Grant Road (sud), nécessitait des travaux de rénovation. Cependant, les propriétaires de ces bâtiments estiment ne pas avoir les moyens financiers pour investir, se plaignant des lois restrictives sur le contrôle des loyers qui fixent des montants bien inférieurs à la valeur du marché.
Plus de 13 000 bâtiments nécessitent des réparations continues pour éviter des effondrements, selon la Maharashtra Housing and Area Development Authority (Mhada), l’organisme de l’État qui gère notamment les logements sociaux à Bombay. Parmi eux, près de 850 sont considérés comme dangereux et délabrés. Bombay est au cœur d’un vaste projet d’infrastructures comprenant la construction d’autoroutes, de lignes de métro et de ponts. Cependant, le gouvernement affirme que son budget pour les logements sociaux est épuisé, ce qui explique que de nombreux locataires refusent de quitter des habitations insalubres.
Dans un immeuble de trois étages à Ghatkopar (centre) classé comme dangereux, Jayesh Rambhiya loue un petit appartement pour environ 500 roupies (5,34 euros) par mois. M. Rambhiya, qui a grandi dans l’immeuble, envisage de partir s’il reçoit une indemnisation, car il devrait payer environ dix fois plus pour un appartement similaire dans les environs. Bombay affiche les loyers les plus élevés de l’Inde, avec un loyer médian pour un appartement d’une pièce estimé à environ 430 euros, selon le Global Property Guide. Les autorités municipales proposent des logements temporaires aux personnes en attente de reconstruction de leur maison, mais ces logements sont déjà presque pleins, a déclaré le directeur adjoint de la Mhada, Sanjeev Jaiswal. À l’inverse, certains résidents accusent les promoteurs de surévaluer l’état de certains bâtiments pour forcer leurs locataires à partir.
Près de Grant Road, où un immeuble de quatre étages s’est effondré en juillet, se trouve un autre bâtiment de même hauteur également classé comme dangereux. Farida Baja, qui gère un refuge pour animaux dans cet immeuble, a reçu un ordre d’évacuation en juin. « C’est un immeuble très solide », affirme-t-elle, expliquant qu’elle n’a pas réussi à trouver un nouveau logement. Les résidents ont recours à des actions en justice pour retarder la démolition depuis des années. Convaincue que les experts se trompent, Mme Baja frappe avec confiance les murs condamnés et déclare : « Je n’ai pas peur. Je sais que le bâtiment ne s’effondrera pas. »
Les autorités municipales proposent des logements temporaires aux personnes en attente de reconstruction de leur maison, mais ces logements sont déjà quasiment pleins.