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Une diminution de l’utilisation du préservatif chez les adolescents de 15 ans en Europe
Un rapport choquant. L’utilisation du préservatif chez les jeunes de 15 ans sexuellement actifs a considérablement diminué en Europe au cours des dix dernières années, selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié le 29 août dernier. Une situation qui expose ces jeunes à un « risque important d’infections sexuellement transmissibles (IST) et de grossesses non planifiées », alerte l’OMS Europe dans un communiqué.
Selon une enquête menée auprès de plus de 242 000 jeunes de 15 ans dans 42 pays d’Europe et d’Asie centrale, la proportion de garçons ayant déclaré avoir utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport sexuel est passée de 70 % en 2014 à 61% en 2022. La part d’adolescentes ayant utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport sexuel est, quant à elle, passée de 63% à 57% sur la même période. Une baisse de neuf points pour les garçons et de six points pour les filles depuis 2014.
Environ un tiers des adolescents (30 % des garçons et 36 % des filles) ont indiqué n’avoir utilisé ni préservatif ni pilule lors de leur dernier rapport, un taux similaire à celui observé en 2018. Sans surprise, les adolescents issus de familles à revenus modestes étaient plus enclins à ne pas avoir utilisé de préservatif ou de pilule lors de leur dernier rapport sexuel.
Les pays où l’utilisation du préservatif est la moins répandue chez les adolescents incluent la Suède (où seules 28 % des filles ont utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport sexuel, et seulement 43 % des garçons), le Kirghizstan (29 % des filles, 49 % des garçons) et l’Écosse au Royaume-Uni, avec 37 % des filles et 44 % des garçons.
En dépit de chiffres préoccupants, la France se démarque en tant que meilleur élève. 70 % des filles et garçons de cet âge ont déclaré avoir utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport, plaçant la France en 9e position. Néanmoins, 23 % des filles de 15 ans ont admis ne pas avoir utilisé de préservatif lors de leur dernier rapport, et cette proportion monte à 27 % pour les garçons.
Une méthodologie remise en question
Malgré ces données alarmantes, faut-il réellement s’inquiéter de ces résultats ? En décembre dernier, Santé publique France a signalé une augmentation significative des IST depuis 2020. Les infections à chlamydia touchaient particulièrement les jeunes de 15 à 25 ans (22 % des cas chez les hommes de cette tranche d’âge, 33 % chez les femmes). De même, pour les gonococcies, 22 % des patients avaient entre 15 et 25 ans. Cette hausse des cas d’IST est expliquée en partie par l’augmentation des tests de dépistage, mais les experts s’inquiètent également de l’utilisation insuffisante du préservatif.
Les spécialistes de la santé sexuelle remettent cependant en question la méthodologie de l’enquête. L’âge choisi – 15 ans – est assez précoce, alors que l’âge moyen du début de la sexualité en France est de 17,6 ans pour les filles et 17 ans pour les garçons, selon la dernière enquête de Santé publique France.
« On parle donc en moyenne des 15 % des adolescents de 15 ans en France qui ont une sexualité active », souligne Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’Hôpital Tenon (Paris) et vice-président de la Société française de lutte contre le sida (SFLS). S’il est vrai qu’il existe en France « un désintérêt général pour le préservatif », cette population reste « peu ciblée par les campagnes », ajoute-t-il.
De plus, la formulation de la question – l’utilisation du préservatif lors du « dernier rapport sexuel » – est limitante. « Un adolescent a pu l’utiliser au début d’une relation amoureuse, puis après avoir fait les examens nécessaires, a pu décider de ne plus l’utiliser lors de son dernier rapport », souligne le Dr. Pascal Pugliese, médecin au Centre hospitalier universitaire de Nice et ancien président de la SFLS. « Il aurait été préférable de préciser : au moment de votre premier rapport sexuel ».
Le sida n’effraie plus
Cette désaffection pour le préservatif peut s’expliquer en partie par la perception nouvelle des jeunes générations à l’égard du VIH, depuis l’avènement de nouveaux traitements préventifs, notamment la Prep (prophylaxie pré-exposition) ces dernières années. « Lorsque nous recevons à Tenon des collégiens et lycéens pour des formations à la santé sexuelle, la peur du VIH, qui a été un facteur déterminant pour l’utilisation du préservatif, n’est plus d’actualité aujourd’hui », ajoute le Dr. Pialoux. « Ils nous disent que le sida est une maladie des personnes âgées. Lorsque nous leur montrons le nombre de nouvelles contaminations chaque année, ils sont très surpris ».
Sous-estimation des risques d’IST
Les experts soulignent également un manque de connaissance des autres IST. « Si à une époque, le sida faisait beaucoup parler de lui, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Les IST font moins peur, on n’en meurt pas », témoigne un adolescent d’un lycée des Hauts-de-Seine. « Pour ces jeunes, les maladies sexuellement transmissibles sont toujours associées à la pénétration. Or, les IST peuvent également être contractées lors de rapports oraux-génitaux. Nous avons observé une augmentation des gonocoques chez les jeunes femmes en Europe ! », souligne Cécile Bébéar, chef du service de bactériologie du CHU de Bordeaux et responsable du Centre national de référence des IST bactériennes.
En Europe en 2022, les gonocoques ont en effet augmenté de 49 % chez les femmes de 15 à 19 ans et de 63 % chez les 20 à 24 ans, selon le rapport annuel du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, paru en mars dernier. Outre les niveaux plus élevés de dépistages, l’un des facteurs possibles souligné par ce rapport serait une tendance à un « relâchement » post-pandémie de la Covid-19 : « les jeunes reprennent contact après la Covid, souvent sans préservatif et avec une multiplication des partenaires », commente Cécile Bébéar.
Un manque d’éducation à la santé sexuelle
Cependant, un point attire l’unanimité des spécialistes : le manque d’éducation à la santé sexuelle des jeunes. Selon un sondage Ifop de 2023, commandé par SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial, 30 % des jeunes de 15 à 24 ans ont déclaré en avoir bénéficié.
« On laisse aux parents la responsabilité d’expliquer la sexualité aux enfants et aux jeunes, car l’Éducation nationale ne le fait pas », déplore le Dr. Pialoux. De nombreuses appréhensions peuvent dissuader les parents d’aborder ce sujet délicat avec leurs adolescents : « certains craignent de précipiter les plus jeunes dans la sexualité ». Le Dr. Pugliese plaide pour « une approche globale et positive de la santé sexuelle » à destination des jeunes, abordant « non seulement les risques, mais aussi le plaisir, la contraception, le consentement ». Il est également essentiel d’aborder la santé sexuelle dès les soins primaires : chez le médecin généraliste, via les sages-femmes, pour faciliter la prévention, la vaccination et le dépistage. Cela nécessite, tout comme à l’Éducation nationale, des formations adéquates.
La France peut cependant se féliciter de sa stratégie nationale de santé. En témoignent deux récentes réformes : la distribution gratuite de préservatifs en pharmacie pour les moins de 26 ans depuis janvier 2023, et le remboursement à 100% des dépistages des IST sans ordonnance pour les moins de 26 ans depuis le 1er septembre dernier. Il reste à renforcer l’éducation des plus jeunes en élaborant de nouveaux discours autour de la sexualité.
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