Le Nouveau Front Populaire (NFP) a recueilli seulement 197 votes favorables, loin de la majorité absolue requise fixée à 289 voix.
Michel Barnier le sait. Lorsqu’il prend la parole à la tribune de l’Assemblée nationale, mardi, un peu après 17 heures, l’enjeu pour lui n’est pas de savoir si la motion de censure déposée par la gauche renversera son gouvernement. Marine Le Pen a mis fin au suspense il y a déjà une semaine en annonçant que ses députés ne soutiendraient pas l’initiative du Nouveau Front Populaire. Cela a été confirmé par le décompte des votes, avec seulement 197 voix en faveur du texte, loin des 289 voix requises. Ce mardi, le défi pour le nouveau Premier ministre était tout autre. Comme ses prédécesseurs Elisabeth Borne ou Gabriel Attal avant lui, cette motion de censure inoffensive du NFP était surtout l’occasion pour lui de commencer à imprimer sa marque, imposer son style et déployer sa méthode. Une semaine après un discours de politique générale feutré, ponctué de réponses taquines à Mathilde Panot et Gabriel Attal, le chef du gouvernement se retrouve une fois de plus devant les députés, sommé de défendre ses troupes fraîchement nommées.
C’est le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, qui a défendu la motion collective de la gauche dans des termes très durs. « Jamais, Monsieur le Premier ministre, vous n’auriez dû vous présenter devant moi avec un gouvernement qui n’aurait jamais dû être nommé. Comme si le 7 juillet n’avait jamais existé », a introduit l’élu de Seine-et-Marne, alors que François Hollande, redevenu député de Corrèze, n’était pas présent. « Vous ne pouvez ignorer la violence de ce détournement démocratique. Premier ministre issu d’un parti laminé, et gouvernement issu d’un parti rejeté par trois fois en un mois. Placé sous la tutelle de l’extrême droite alors que deux tiers des Français lui ont fait barrage », a ensuite pilonné Olivier Faure. La diatribe acerbe a reçu les applaudissements de toute la gauche de l’Hémicycle, reflétant l’état d’esprit du NFP qui crie au « déni de démocratie » et au « hold-up électoral » depuis que sa candidate Lucie Castets n’a pas été nommée à Matignon.
La tonalité était la même chez toutes les composantes de la gauche, des socialistes aux communistes en passant par les écologistes et les Insoumis. Tous accusaient le gouvernement Barnier de s’être placé « sous la tutelle de l’extrême droite ». « C’est mathématique. Sans le soutien du Rassemblement national, votre gouvernement tomberait. Il y a un accord politique entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen », a taclé la patronne des Verts, Cyrielle Chatelain. La mélenchoniste Clémence Guetté a raillé une « coalition invraisemblable des perdants » composée d’une « cohorte de réactionnaires ». « Vous gouvernez par effraction. Vous n’avez ni la légitimité du Parlement, ni sa confiance », a-t-elle houspillé en regardant le Premier ministre.
À la tribune, Michel Barnier s’est défendu calmement et avec un brin d’humour comme à son habitude. « Je n’ai pas besoin qu’on me rappelle que le gouvernement est minoritaire, je le sais. Il n’y a de majorité absolue pour personne », a-t-il introduit. Avant d’ajouter quelques secondes plus tard : « Il y a donc simplement des majorités relatives et parmi ces majorités relatives, ce que je constate, c’est que celle qui accompagne le gouvernement est la moins relative. Vous pouvez raconter ce que vous voulez, c’est la vérité ».
Les applaudissements étaient timides, les contestations encore plus. Malgré les tentatives de certains LFI pour enflammer le Palais Bourbon, Louis Boyard et Aurélien Le Coq en tête, les bancs étaient clairsemés. Ni les anciens Premiers ministres Gabriel Attal et Elisabeth Borne, ni l’ancien numéro trois du gouvernement Gérald Darmanin, n’étaient présents pendant l’allocution, très courte – une dizaine de minutes – de Michel Barnier.
« Nous avons gagné! »
Quelques minutes plus tard, c’est Laurent Wauquiez, chef de file de La Droite Républicaine, qui a pris la défense du Premier ministre. Il a critiqué la gauche et sa « passion de tout renverser », vanté « l’esprit de responsabilité » de son camp et blâmé le « choix » du NFP de « fomenter des mutineries ». « Les Français ne veulent pas de votre extrémisme », a-t-il lancé à La France Insoumise, alors que Louis Boyard lui répondait en criant : « Nous avons gagné! » Et Laurent Wauquiez s’adressait aux socialistes : « Sur ces bancs, vos amis mélenchonistes vous surveillent peut-être, mais les Français vous regardent aussi ». Seuls les 45 députés LR applaudissaient le présidentiable de droite, tandis que la plupart des macronistes, la tête basse, préféraient pianoter sur leur téléphone portable.
Une torpeur seulement interrompue par l’intervention de leur collègue Pierre Cazeneuve (Renaissance). Gabriel Attal et Franck Riester apparaissaient, rejoignant les tribunes avec d’autres anciens ministres. Le discours était plus virulent à l’égard de la gauche que ceux du Premier ministre et des Républicains. Le comportement du NFP y était assimilé à « de la bordélisation en quantité industrielle », Olivier Faure devenait le « premier sectaire » du Parti socialiste, et le cartel des gauches atteignait un « délire trumpiste de bas étage ». « Quelle tristesse de voir la gauche de gouvernement être réduite à un rôle de supplétif », attaquait Pierre Cazeneuve.
Le RN maintient l’épée de Damoclès
« Que voulez-vous censurer exactement? Quelles orientations vous opposez-vous avec tant de vigueur? Aux taxes sur les superprofits? A l’anticipation de la revalorisation du SMIC? A la relance de la participation et de l’intéressement? », a martelé ensuite le bayrouiste Marc Fesneau.
Les autres présidents de groupe ont pris la parole, avant que la discussion ne se termine et que le vote soit effectué. Le gouvernement n’a donc pas été renversé, grâce à la bienveillance provisoire du Rassemblement National. Une décision que le député RN Guillaume Bigot a assumée : « La censure est un acte grave. On ne censure pas pour censurer. On ne s’oppose pas pour s’opposer. Nous ne censurerons ce gouvernement que si ses actes portent atteinte à l’intérêt des Français », a-t-il exprimé. Il a donc revendiqué de laisser une chance à ce « gouvernement de moindre mal », tout en fustigeant le « macronisme, fils naturel de LR et du PS ».
Olivier Faure n’a même pas pu conclure son discours mardi. Trop long. La présidente de l’Assemblée nationale a dû couper son micro, lui expliquant sans interrompre le sien : « Tu as débordé de plus de deux minutes, ça va! ». Une fin de discours tombée complètement à plat. Comme cette première motion de censure.