30% des membres de groupes criminels sont des enfants, alertent les organisations humanitaires ainsi que les représentants du gouvernement.
500 000 enfants vivent actuellement sous le contrôle des gangs en Haïti, selon Human Rights Watch qui se base sur les chiffres de l’UNICEF. « Leurs options pour survivre étant limitées, de nombreux enfants en Haïti sont attirés par des groupes criminels », explique Nathalye Cotrino, chercheuse à la division crise et conflits au sein de l’ONG. « Ils se livrent à des activités illégales et s’exposent à de graves risques », ajoute-t-elle. Selon les organisations humanitaires et les représentants du gouvernement, 30% des membres de groupes criminels sont des enfants.
Aujourd’hui, les organisations criminelles contrôlent plus de 80% de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, et profitent de l’augmentation de la pauvreté pour recruter des jeunes en leur promettant un toit et de la nourriture, selon l’ONG. Ces gangs ont intensifié leur recrutement ces derniers mois en réponse aux opérations de maintien de l’ordre de la police nationale et de la Mission multinationale d’appui à la santé (MMAS), missionnée par l’ONU pour rétablir la paix dans le pays. Les enfants recrutés par les organisations criminelles sont chargés de petites tâches à leur arrivée, comme informer les chefs sur les patrouilles des forces de l’ordre, puis participent à des meurtres et enlèvements.
Quand un enfant refuse d’exécuter un ordre, il est maltraité. « Une fois, ils m’ont demandé de bander les yeux de quelqu’un que nous allions kidnapper », raconte un membre de gang de 14 ans à Human Rights Watch. « Quand j’ai refusé, ils m’ont frappé à la tête avec une batte de baseball et m’ont menacé de me tuer si je n’obéissais pas », ajoute-t-il. Ces enfants font également face à la violence policière et des groupes rivaux. Au total, 105 mineurs ont perdu la vie entre janvier et mi-septembre 2024, selon l’ONG se basant sur les chiffres du bureau intégré des Nations Unies en Haïti.
« Je veux quitter la rue », déclare un jeune homme de 16 ans qui a rejoint un gang il y a deux ans. « Avant de rejoindre le groupe, je vivais avec ma mère… c’était difficile de se procurer de la nourriture et des vêtements », se remémore-t-il. Ces enfants rejoignent ces organisations armées à l’âge de dix ans en moyenne, parfois plus jeunes. Ils sont souvent repérés sur les réseaux sociaux par les recruteurs leur promettant monts et merveilles. Ces derniers sont conscients de la situation des enfants et les attirent en leur offrant nourriture, logement et rémunération.
Dans son rapport, Human Rights Watch a interrogé plusieurs enfants qui ont tous exprimé le souhait de quitter les gangs. « Je veux quitter la rue et ne plus faire partie d’un groupe criminel », déclare un habitant de la ville de Carrefour âgé de 17 ans à l’ONG. « Je veux continuer à aller à l’école et retourner auprès de ma famille », ajoute-t-il. Cependant, ces enfants sont souvent rejetés par leurs proches et stigmatisés pour leurs activités illicites.
Les jeunes filles sont également touchées par ce recrutement massif. Elles ne participent pas aux activités armées des gangs mais sont victimes de violences sexuelles. Le chef du gang de Brooklyn demande à ses hommes de lui amener une fille vierge chaque mois. Concernant le gang de Tigwa, il est indiqué qu’ils violent ces jeunes filles et les exploitent pour servir leurs besoins sexuels et domestiques. Ces filles sont généralement enlevées entre 15 et 17 ans puis amenées aux gangs.
« Répondre aux besoins urgents des enfants », selon Nathalye Cotrino de Human Rights Watch, pourrait contribuer à fournir un soutien psychosocial, favoriser l’inclusion sociale et prévenir le recrutement. Malgré l’arrivée de la Mission multinationale d’appui à la santé en juin, le pays sombre dans la violence. Aucune élection n’a eu lieu depuis 2016 et aucun nouveau représentant n’a été désigné depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en janvier 2023. Le gouvernement provisoire mis en place en mars 2024 en attente d’une élection nationale n’a pas encore fixé de date. Les attaques et les violences continuent chaque jour dans le pays.
En conclusion, la situation des enfants recrutés par les gangs en Haïti est alarmante et nécessite une réponse urgente tant au niveau national qu’international. La protection des enfants, leur réinsertion sociale et le soutien psychosocial doivent être des priorités pour mettre fin à ce cycle de violence et de recrutement.