ANALYSE – Les compléments nutritionnels oraux (CNO) hypercaloriques et hyperprotéinés, utilisés pour aider les patients en état de dénutrition, se présentent sous différentes saveurs et formats. Leur consommation doit être suivie de près par un professionnel de santé, mais qu’en est-il réellement de leur efficacité ?
Vanille, caramel, abricot… Les CNO hypercaloriques et hyperprotéinés rivalisent pour plaire à tous. Destinés à un usage médical, ces produits sont prescrits pour les patients atteints de cancer, les personnes âgées en état de dénutrition ou après des interventions chirurgicales lourdes. « Idéalement, ils ne doivent pas remplacer un repas », explique Camille Besson, diététicienne nutritionniste. On recommande de les consommer en tant que collations, à 10 heures ou 16 heures, afin de ne pas couper l’appétit lors des repas principaux.
Pour certains patients, la consommation d’aliments riches en protéines, comme le fromage ou les œufs, n’est pas suffisante : les besoins sont importants et il faudrait en consommer en trop grande quantité, ce qui peut être nocif pour la santé en raison de la teneur élevée en graisses. Dans quels cas devrait-on envisager les CNO ? « Il y a deux paramètres à prendre en compte », explique Bruno Raynard, chef de service au centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy, à Villejuif. Premièrement, l’état nutritionnel : les CNO sont prescrits si le patient perd plus de 5 % de son poids en un mois, ou plus de 10 % en six mois. Deuxièmement, le niveau d’ingesta (la quantité d’aliments qu’une personne est capable de consommer par jour) : si le patient consomme moins de 70 % de ses besoins caloriques, les CNO peuvent être recommandés.
Lutter contre la cachexie : un enjeu vital pour les patients
Ces compléments nutritionnels visent à lutter contre la perte de poids, un véritable fléau dans le cadre du cancer ou pour les patients âgés. La cachexie, une fonte importante des tissus adipeux et musculaires, est une complication fréquente dans de nombreuses maladies, et peut être mortelle : en réalité, 20 à 30 % des décès liés au cancer seraient dus à cette condition. Après une intervention chirurgicale lourde, notamment viscérale ou digestive, le métabolisme peut être perturbé, le jeûne obligatoire dans les jours suivant l’opération peut affaiblir le patient, et l’inflammation entraîne une forte consommation de protéines au détriment du reste de l’organisme. Les CNO peuvent donc être nécessaires même en l’absence de perte d’appétit.
La consommation de ces produits est toujours prescrite par un médecin et prise en charge par la Sécurité sociale. « C’est entre un aliment et un médicament, mais ce n’est pas de la vraie nourriture », ajoute Bruno Raynard. Pour la plupart des patients, des CNO enrichis en protéines et en matières grasses sont recommandés. Comment sont-ils fabriqués ? Ce sont des aliments classiques auxquels on ajoute des protéines en poudre d’origine végétale et des lipides, comme des oméga-3. Les yaourts et boissons lactées sont les plus connus, mais on trouve désormais des biscuits ou des soupes. Il existe également des poudres enrichies en protéines, également destinées à un usage médical, à ajouter à des yaourts, compotes, soupes ou purées. « On les utilise peu en tant que CNO seuls, mais plutôt pour enrichir l’alimentation en protéines », explique Stéphane Schneider, responsable de l’Unité de Support Nutritionnel du pôle digestif de l’Hôpital de l’Achet à Nice. Ces poudres ne favorisent pas la prise de poids, car elles ne sont pas enrichies en graisses.
Sont-ils efficaces ?
« La gamme est large, avec une variété de goûts et de textures, il est plus facile maintenant de trouver un produit qui plaît au patient », poursuit Bruno Raynard. Certains patients recherchent des saveurs prononcées, tandis que d’autres, sujets aux nausées, préfèrent les CNO neutres… Le patient est au cœur de la prise en charge, il faut s’adapter à lui », explique Camille Besson. « Parfois, il y a un léger goût métallique, ce qui peut lasser, ce n’est pas toujours très bon », tempère Bruno Raynard. « S’ils sont bien tolérés par les patients et qu’ils consomment le nombre de CNO prescrits par jour, ils sont efficaces et peuvent éviter un recours à une alimentation artificielle en dernier recours », conclut Camille Besson.
La durée de la prescription peut varier en fonction de la maladie ou de l’ampleur de l’intervention chirurgicale, mais un essai de 10 jours est obligatoire pour trouver le meilleur CNO. Il ne faut pas se décourager, même en l’absence de résultats immédiats. « La dénutrition est progressive. Après une semaine de CNO, les améliorations ne seront peut-être pas flagrantes, mais il est important de continuer à satisfaire les besoins nutritionnels du patient, notamment pour réduire les complications liées à la maladie, qui peuvent être aggravées par la perte de poids », précise Stéphane Schneider.
À ne pas confondre avec les poudres protéinées destinées aux sportifs
Il convient de ne pas remplacer les CNO par des produits du commerce sans suivi médical. Depuis les années 1980, les protéines en poudre ont la cote dans le milieu sportif, et on trouve aujourd’hui dans les supermarchés des produits lactés protéinés. Cependant, la composition de ces produits diffère de celle des CNO. Ils contiennent moins de glucides et de graisses, et sont souvent conçus pour être pauvres en calories, à l’inverse des CNO, afin de favoriser un gain de masse musculaire maigre.
De plus, les compléments nutritionnels oraux à visée médicale sont plus faciles à digérer, tandis que les poudres destinées aux sportifs peuvent contenir des protéines à digestion plus lente (comme la caséine) pour favoriser la croissance musculaire pendant la nuit. Il est donc essentiel de différencier ces deux types de produits, qui ont des fonctions distinctes.