Qui est l’inventeur de ce plat emblématique de la gastronomie française ? Deux experts culinaires érudits révèlent leur délicieuse vérité dans un livre fraîchement publié chez Menu Fretin.
Le lièvre à la royale n’est pas seulement un plat. C’est un crime – contre la diététique, le bon sens, l’écologie – et en tant que tel, il méritait une enquête approfondie. Quels sont ses origines ? Son mode opératoire ? Ses commanditaires ? Qui l’a exécuté ? Deux Sherlock Holmes de la gastronomie se sont lancés dans une enquête sans merci, et leur investigation aboutit à un ouvrage instructif et passionnant publié récemment par les Éditions Menu Fretin. Nous ne dévoilerons pas la solution de l’énigme révélée par Gérard Allemandou et Philippe Berthet-Bondet. Plutôt, replaçons cette affaire majeure dans son contexte.
La légende veut que le lièvre à la royale ait été inventé pour le vieux Louis XIV, chasseur insatiable mais édenté. Comme le dit si bien la réplique culte du western de John Ford, « Quand la légende devient réalité, on publie la légende ». Cette maxime s’applique également à la gastronomie française, laissant ainsi planer un certain mystère sur les origines de ce plat (premier indice).
Chaque expert a sa propre version de l’histoire
Les auteurs de ce livre ont remonté aux origines du lièvre à la royale en explorant les premiers écrits culinaires. Ils ont plongé dans l’histoire séculaire de ce plat. En chemin, ils ont rencontré des personnages fascinants tels qu’Aristide Couteaux, sénateur et chef émérite, Antonin Carême et Auguste Escoffier, figures incontournables de la gastronomie, ou encore Alain Senderens et Menon. Ce qui est fascinant avec le lièvre à la royale, c’est que chaque expert a sa propre version de l’histoire, mais tous affirment détenir la vérité. La bataille culinaire s’intensifie autour des deux versions principales : celle de Couteaux, où la viande est effilochée dans la sauce, et celle de Carême, où le lièvre est désossé, farci et recousu en ballottine. Jean-Claude Ribaut offre même une analyse politique de la querelle, donnant au plat une dimension symbolique de l’ancien régime contre le nouveau.
Dans son ouvrage, le chef Jean-François Piège donne même deux recettes différentes du lièvre à la royale, chacune étant attribuée à un chef renommé. Christian Millau évoque quant à lui une querelle amicale – quoique sérieuse – entre Colette et Raymond Oliver sur la véritable méthode de préparation du plat. Cette diversité de versions et d’interprétations ajoute au mystère et à la fascination pour ce plat emblématique de la cuisine française.
Plongez dans cette enquête captivante d’Allemandou et de Berthet-Bondet avant de déguster un bon lièvre à la royale, peu importe s’il est cuisiné à la manière de Couteaux ou de Carême – c’est la saison, mais attention, elle est courte.
« Le Lièvre à la royale, petite histoire d’un grand plat ». Gérard Allemandou et Philippe Berthet-Bondet. Éditions Menu Fretin. 140 pages, 16 €.