PAR ANNE PRIGENT
Vendus chez les buralistes ou en ligne, les « pouches » sont des sachets de nicotine aromatisés à sucer, une alternative qui inquiète de plus en plus.
À l’approche de novembre, mois de l’opération nationale « Mois sans tabac », la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq a récemment annoncé l’interdiction imminente des sachets de nicotine, également appelés « pouches ». Ces petits sachets de nicotine aromatisés, à placer entre la lèvre et la gencive, sont de plus en plus populaires parmi les jeunes. Ils sont vendus à des prix compétitifs dans les bureaux de tabac ou en ligne. Bien qu’ils ne contiennent pas de tabac et ne libèrent ni fumée ni vapeur, les pouches présentent de nombreuses similitudes avec le snus suédois, une forme de tabac à sucer ou à chiquer interdite depuis 1992. Alors, les pouches, une menace pour la santé ou non ?
Dans une perspective de réduction des risques liés au tabac, certains spécialistes en tabacologie considèrent les pouches comme une alternative intéressante à la cigarette. « Les sachets de nicotine ressemblent au snus, très populaire en Suède. Le snus a largement remplacé les cigarettes là-bas et a contribué à réduire le taux de tabagisme ainsi que les décès par cancer du poumon en Europe », souligne le Dr Philippe Arvers, tabacologue et addictologue à l’Université Grenoble-Alpes (UGA).
En revanche, le Comité national de lutte contre le tabac soupçonne que ces produits soient conçus par l’industrie du tabac pour attirer de nouveaux consommateurs rapidement et maintenir les fumeurs actuels dans l’addiction à la nicotine. « Tous ces nouveaux produits de tabac et de nicotine, fortement promus par les industriels, ouvrent de nouvelles portes à la nicotine. Les arômes attirent les jeunes et les taux élevés de nicotine les fidélisent », souligne le Pr Yves Martinet, président du CNCT.
Outre le risque de dépendance, des niveaux élevés de nicotine peuvent entraîner des conséquences néfastes immédiates pour les utilisateurs. De plus en plus d’adolescents appellent les centres antipoison pour des syndromes nicotiniques aigus, parfois graves, liés à ces produits. Ces symptômes comprennent des vomissements, des convulsions, des baisses de pression artérielle et des troubles de conscience. Cette toxicité constitue une raison supplémentaire de les interdire, bien que les spécialistes reconnaissent qu’ils restent moins nocifs pour la santé que le tabac. « Alors que nous nous dirigeons vers la fin du tabagisme, nous n’avons pas besoin de nouvelles formes de nicotine », souligne le Pr Bertrand Dautzenberg, tabacologue et président de Paris sans tabac.
Cependant, il existe une lueur d’espoir : de moins en moins de jeunes fument. En 2022, seulement 15,6% des jeunes de 17 ans sont des fumeurs réguliers, contre 25% en 2019. « Le jour où il n’y aura plus de cigarettes, je serai en faveur de l’interdiction de tout produit contenant de la nicotine », insiste le Pr Bertrand Dautzenberg. En attendant, entre les substituts nicotiniques remboursés par l’assurance maladie et la cigarette électronique, l’arsenal actuel de traitement contre le tabagisme est suffisant pour aider les fumeurs à arrêter.