Plus performants que les bridges, couronnes et dentiers bien connus, les implants dentaires ne sont actuellement pas couverts par la Sécurité sociale. Pourtant, ils sont pleinement justifiés et doivent être accessibles, estime l’autorité sanitaire, qui précise également les bonnes pratiques à suivre.
Dentiers, bridges et couronnes… Autant de moyens pour remplacer ou soigner des dents manquantes ou endommagées, partiellement pris en charge par la Sécurité sociale. Cependant, depuis une trentaine d’années, les implants dentaires, qui ne sont pas du tout remboursés sauf pour quelques rares pathologies, existent. Pourtant, près d’un million d’interventions sont réalisées chaque année en France, et ces implants ont pleinement leur légitimité, selon la Haute Autorité de Santé (HAS) dans un avis publié ce mercredi. Elle se prononce donc en faveur de leur remboursement par l’assurance maladie et définit précisément le parcours que doivent suivre les patients.
Ce soutien de la HAS en faveur du remboursement n’est pas surprenant pour le Dr Cyril Vidal, chirurgien-dentiste spécialisé en endodontie à Poitiers : « Aujourd’hui, les implants sont des techniques sûres et souvent moins mutilantes que les autres pour remplacer les dents. » Mais la prise en charge de ces techniques ne doit pas faire oublier les soins préventifs pour éviter d’y recourir : « Les implants ne doivent pas être considérés comme une solution miracle, et l’idéal reste de rembourser au mieux tous les actes de prévention et de maintien des dents sur l’arcade (notamment l’endodontie, la parodontologie et l’orthopédie dentofaciale chez les adultes). »
Malgré les immenses progrès en matière d’hygiène bucco-dentaire et de prise en charge précoce, « le nombre de personnes confrontées à la perte d’une voire de l’ensemble des dents est amené à augmenter » en raison du vieillissement de la population, souligne la HAS. En 2002, une enquête du Centre de recherche d’études et de documentation en économie de la santé (CREDES) estimait en moyenne à 1,3 le nombre de dents manquantes non remplacées chez les adultes de plus de 15 ans, et à 4,6 dents chez les plus précaires. En Europe, en 2019, 12 % des individus (soit 88 millions de personnes) étaient édentés, selon le Rapport sur l’état de la santé bucco-dentaire dans le monde de l’OMS publié en 2022 (chiffre incluant les personnes appareillées et celles n’ayant pas reçu de soins).
L’édentement a des conséquences graves. Non seulement esthétiques, par son impact sur le sourire mais aussi sur l’ensemble du visage, avec des répercussions importantes sur la vie sociale et la santé mentale des patients. Mais également sur la santé globale, notamment l’état nutritionnel. Si le gouvernement suit généralement les avis de la HAS, rien n’indique cependant quelle sera l’ampleur d’une éventuelle prise en charge. Les prothèses actuellement remboursées le sont en effet assez mal malgré la mise en place du « 100 % santé » : une grande partie de leur coût reste à la charge des mutuelles et souvent des patients eux-mêmes.
Le profil des praticiens réalisant ces actes est très hétérogène, avec le risque qu’une absence de formation ou une formation inadéquate représente une perte de chance pour le patient.
Saisie sur cette question par l’Assurance maladie, la HAS s’est plongée dans la littérature scientifique sur ces implants et a consulté des experts et des associations de patients. Elle conclut que les « prothèses amovibles complètes implanto-retenues (PACIR) » et les « prothèses fixes unitaires supra-implantaires (PFUSI) » ont une bonne longévité et présentent des risques de complications qui ne remettent pas en cause leur intérêt. Du côté des patients, les données manquent concernant les prothèses unitaires ; cependant, les études menées sur les prothèses complètes montrent « une amélioration statistiquement significative des performances masticatoires, de la qualité de vie, de la satisfaction du patient, de la rétention et de la stabilité de la prothèse ainsi que de l’impact sur la vie quotidienne ».
Dans un document en 3 volets basé sur de nombreuses publications scientifiques et les avis d’experts et de patients, la HAS détaille donc l’ensemble des bonnes pratiques à suivre avant la pose de l’implant, pendant la période chirurgicale et pendant le suivi des patients. La description détaillée de ce parcours de soins vise notamment à lutter contre les dérives constatées dans certains centres dentaires « low cost ». Le coût élevé de ces implants a en effet entraîné leur prolifération, avec des pratiques douteuses, notamment en termes d’information, de consentement éclairé et de non-respect du délai de réflexion des patients, souligne la HAS. Elle note également que l’implantologie dentaire implique de nombreuses compétences et n’est pas une spécialité en soi. Par conséquent, « le profil des praticiens réalisant ces actes est très hétérogène, avec le risque qu’une absence de formation ou une formation inadéquate représente une perte de chance pour le patient ».
La HAS identifie ainsi trois principaux facteurs de risque d’échec des implants : les antécédents de radiothérapie cervico-faciale, le tabagisme et la maladie parodontale active ou non stabilisée. Le traitement, long et complexe, « demande une implication du patient à long terme » et notamment une réelle assiduité aux rendez-vous et un respect rigoureux des règles d’hygiène bucco-dentaire. Tous ces points doivent être évalués en amont, en particulier chez les patients atteints de troubles psychiatriques, neuropsychiatriques ou psychologiques. Ces patients ne doivent cependant pas être exclus de cette option thérapeutique, insistent les experts consultés, leurs désirs « doivent être pris en compte et il est nécessaire d’adapter les modalités du traitement à leur pathologie ».