Les mesures sanitaires de l’année 2020 ont provoqué une baisse spectaculaire des cas de grippe, entraînant même la disparition de la lignée B/Yamagata. Une étude révèle que cette situation inédite pourrait bouleverser le cours des épidémies de grippe à venir.
En France, l’épidémie de grippe saisonnière débute traditionnellement vers la fin décembre et affecte chaque année entre 2 et 8 millions de personnes, causant jusqu’à 6000 décès. Les virus de la grippe se divisent en deux principaux types, groupe eux-mêmes subdivisés en diverses lignées : les virus de type A circulent chez de nombreuses espèces animales, tandis que les virus de type B touchent principalement les êtres humains. Chaque hiver, ces deux types de grippe circulent simultanément, mais dans des proportions variables. Si l’on sait généralement quelle souche prédomine à quel moment de l’épidémie, les données exactes concernant les décès liés à une lignée spécifique sont difficiles à obtenir, souligne Mustapha Si-Tahar, directeur du Centre d’Étude des Pathologies Respiratoires à l’Inserm.
Parmi les virus grippaux de type B, deux lignées coexistent : B/Yamagata et B/Victoria. Par le passé, il arrivait que la souche B/Yamagata soit plus prévalente en France que la lignée B/Victoria. Cependant, déjà en déclin avant la pandémie de Covid-19, la lignée B/Yamagata semble désormais avoir disparu totalement, en partie grâce aux mesures telles que le confinement, le port du masque et la distanciation sociale.
Une étude récente met toutefois en garde contre un possible effet négatif de cette disparition. En effet, la protection offerte par une infection par une lignée de grippe B contre l’autre est partielle. Sans la présence de B/Yamagata, moins de personnes bénéficieront de cette immunité croisée, favorisant ainsi la propagation de B/Victoria, qui peut entraîner des symptômes plus graves chez les jeunes enfants. Les chercheurs soulignent que bien que cette hypothèse ne soit pas confirmée, elle mérite d’être explorée.
Cette étude révèle également que certains endroits ont agi comme des « réservoirs évolutifs » pour le virus. Malgré la pandémie de Covid-19, la circulation de la grippe de type A et de B/Victoria a perduré dans certaines régions, notamment en Asie du Sud et de l’Ouest. Les déplacements internationaux sont principalement responsables de la propagation des souches de grippe, mais aussi probablement d’autres agents pathogènes respiratoires. Cependant, les chercheurs estiment que le retour à une diversité de souches similaire à celle d’avant la pandémie est déjà observé, à l’exception de la disparition de B/Yamagata.
Il est donc essentiel de renforcer la surveillance des zones à forte évolution antigénique, là où de nouvelles lignées virales émergent et deviennent potentiellement mondiales. Selon les experts, une telle surveillance accrue permettrait d’anticiper les évolutions futures de la grippe et autres pathogènes respiratoires, préparant ainsi les autorités sanitaires à mieux contrôler les épidémies à venir.