La quête d’indépendance du Rif marocain : un nouveau front dans le conflit maghrébin
Par Souleymane Loum
Dans les entrailles des tensions géopolitiques qui déchirent le Maghreb, la question du Sahara occidental n’est pas la seule à provoquer des frictions. En effet, depuis peu, un nouveau mouvement réclame l’indépendance du Rif, région nordique du Maroc. Cette revendication pose la problématique d’une histoire coloniale complexe et d’une identité régionale souvent méconnue.
Ce dossier épineux, couplé aux relations déjà tumultueuses entre le Maroc et l’Algérie, pourrait enflammer davantage la scène politique régionale. L’Algérie soutient depuis longtemps le Front Polisario, qui lutte pour l’autodétermination du Sahara occidental. Mais avec la récente émergence du Parti national rifain (PNR), le spectre d’un insurrectionnalisme en Afrique du Nord se profile.
Le PNR, fondé en 2023, a vu des milliers de manifestants converger vers Alger le 23 novembre 2024, pour ce qu’ils appellent la « Journée du Rif ». Parmi les personnalités présentes figurait un ministre sud-africain, ainsi que des délégués venus du Mozambique, renforçant ainsi la portée internationale de cette nouvelle dynamique. Selon Youva El Ghedioui, un des responsables du mouvement, cette manifestation marque un tournant dans la lutte pour les droits des Rifains, qui se disent historiquement opprimés.
« Loin d’être un mouvement séparatiste, nous souhaitons simplement restaurer la République du Rif, qui a été la première à déclarer son indépendance en Afrique », affirme El Ghedioui. Le PNR tire son inspiration d’une époque révolue, lorsque le Rif, sous Abdelkrim El Khettabi, avait tenu tête aux puissances coloniales dans les années 1920, avant d’être écrasé par les forces françaises et espagnoles.
Pour les membres du PNR, la lutte pour l’indépendance du Rif se base sur une légitimité historique et juridique. « Les Rifains ne sont pas des séparatistes. Notre région n’a jamais été intégrée au Maroc tel qu’il est reconnu aujourd’hui, mais plutôt subie des décisions politiques imposées par des puissances coloniales qui, par la suite, ont alimenté des dynamiques d’asservissement », explique le militant.
Ce n’est pas un hasard si cette revendication résonne au sein d’un contexte dans lequel les tensions entre le Maroc et l’Algérie refont surface. La position du président français en faveur de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental a exacerbé les rancœurs. L’Algérie a donc saisi l’opportunité d’affirmer son soutien aux aspirations des Rifains, espérant ainsi redistribuer les cartes dans cette région toujours plus instable.
Un écho de nostalgie pour la République du Rif pendant ses glorieuses années d’autonomie traverse le discours des fondateurs du PNR. Pour eux, la République incarne un symbole de dignité et d’indépendance que le peuple rifain aspire à retrouver. « Les événements de 1921, notamment la bataille d’Al Anoual, où 24 000 soldats espagnols furent abattus, rappellent le potentiel de lutte qui sommeille toujours dans notre peuple », souligne Abderrahmane Soualah, membre de l’Union des forces démocratiques et sociales d’Algérie.
L’appel à la solidarité entre Africains résonne, les militants du PNR exhortant les autres nations du continent à reconnaître la dualité des luttes pour la liberté au Sahara occidental et au Rif. « Ces deux régions représentent les dernières colonies d’Afrique. Il est crucial d’initier une prise de conscience collective pour galvaniser des soutiens », fait remarquer El Ghedioui.
L’événement de la « Journée du Rif » a pour but d’internationaliser la lutte rifaine, en s’appuyant sur des soutiens extérieurs, tout en dénonçant ce qu’ils considèrent comme une assimilation culturelle et politique par le Maroc. « Nous comptons sur des pays amis, comme l’Algérie, pour nous soutenir. Il est impératif que la voix du Rif soit entendue sur les scènes internationales », plaide El Ghedioui.
Ainsi, le Rif pourrait devenir une nouvelle pièce maîtresse dans un jeu géopolitique complexe basé sur des revendications de souveraineté. La solidarité des nations africaines, souvent fragiles et divisées, constituerait un atout non négligeable pour les Rifains dans leur quête d’émancipation. Dans un contexte mondial où les luttes autonomistes prennent de l’ampleur, les regards restent rivés sur ce mouvement émergent dans le nord du Maroc.