Boualem Sansal, l’écrivain en détention, devient le symbole des tensions entre l’Algérie et la France
Mi-novembre, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, âgé de 75 ans, a été arrêté en Algérie. Ce mardi, son avocat, François Zimeray, a confirmé qu’il avait été entendu par le parquet antiterroriste d’Alger et placé sous mandat de dépôt. Cette décision a été prise en réponse à des accusations d’« atteintes à la sûreté de l’État ». Cette situation a suscité une vive inquiétude en France, où l’écrivain est reconnu pour son engagement critique envers le pouvoir algérien et son travail littéraire audacieux.
Jean-Marie Laclavetine, éditeur de Sansal chez Gallimard, a partagé son expérience avec l’écrivain, évoquant leur amitié qui s’est nouée il y a vingt-cinq ans. Laclavetine se souvient de la première lecture du manuscrit de « Le Serment des barbares », une œuvre qui a marqué le début de la carrière littéraire de Sansal. « C’était un grand bonheur de découvrir son écriture », confie-t-il. Laclavetine souligne la richesse des vies que Sansal a vécu avant de devenir écrivain, mentionnant son parcours en tant qu’ingénieur, enseignant et même directeur de l’Industrie en Algérie.
L’œuvre de Sansal est profondément ancrée dans la réalité politique algérienne. Jean-Marie Laclavetine décrit son talent à aborder des sujets délicats comme l’islamisme ou le pouvoir militaire à travers une prose remplie d’ironie et d’humour. Cette capacité à jongler avec des thèmes sérieux tout en gardant une approche narrative inventive est ce qui, selon Laclavetine, fait de Sansal un écrivain à part. Il le compare même à Rabelais pour son style vivant et engagé.
Malgré les dangers liés à ses écrits, Sansal a continué de voyager entre la France et l’Algérie, un comportement qui, selon Laclavetine, pouvait susciter des inquiétudes. Toutefois, il note que l’écrivain affichait un humour désinvolte, affirmant qu’« c’est à eux de partir, ce n’est pas à moi de partir », montrant ainsi sa détermination à retourner chez lui sans crainte.
La détention de Sansal a soulevé des questions sur le soutien des intellectuels français, en particulier à gauche. Laclavetine exprime sa consternation face à des critiques émises par certains d’eux, comme Benjamin Stora, sur les déclarations récentes de Sansal à propos de l’immigration et de l’islam. Pour lui, la solidarité doit primer : « Quand un écrivain est emprisonné, on commence par le défendre, que l’on soit d’accord ou non avec ses idées », insiste-t-il.
Son arrestation réveille des craintes quant aux implications politiques de sa situation. Laclavetine craint que Boualem Sansal ne devienne un « pion » dans les relations tendues entre l’Algérie et la France. « Il est difficile de ne pas penser qu’il est une victime collatérale de cette dégradation des relations entre les deux pays », affirme-t-il. Cette perspective donne une dimension supplémentaire à la détention de l’écrivain, laissant entrevoir les enjeux géopolitiques qui pourraient influencer son sort.
Plus qu’un simple écrivain, Boualem Sansal est un porte-voix de la critique sociale et politique en Algérie. Son arrestation soulève des questions essentielles sur la liberté d’expression et les droits des artistes dans un contexte où le pouvoir reste très vigilant quant à toute forme de contestation. La communauté littéraire espère que ce moment d’inquiétude sera suivi par une mobilisation générale en faveur de sa libération, car chaque jour d’emprisonnement de Sansal représente une attaque contre l’idée même de liberté d’expression.