La question des frontières en Afrique, en particulier entre le Maroc et l’Algérie, est un sujet complexe qui mérite une attention particulière. Comme le souligne La Croix, la notion même de ces frontières est relativement récente et s’accompagne d’une histoire sereinement tumultueuse. Avant l’arrivée des colonisateurs européens, les espaces entre Alger et Rabat n’étaient pas figés. Ils étaient souvent le reflet des dynamiques de pouvoir et des alliances matrimoniales qui prévalaient à cette époque.
Historiquement, le Maroc a traversé des périodes d’expansion territoriale significatives, des époques où ses limites pouvaient englober des zones qui font aujourd’hui partie du territoire algérien. Avec l’incursion des Français au XIXe siècle, cet équilibre fragile a été perturbé. Les autorités françaises, désireuses de solidifier leurs emprises en Algérie, ont consolidé les frontières en se basant sur des considérations géographiques, notamment la localisation des ressources en eau. Pendant ce temps, le sud, une région vastement désertique, est resté longtemps privé de délimitations claires.
L’établissement du protectorat français sur le Maroc en 1912, consigné dans le traité de Fès, a simplifié la gestion de ces deux territoires sous le même contrôle colonial. Ce partage du pouvoir a rendu la question des frontières moins cruciale pour un certain temps. Toutefois, cette situation d’apparente tranquillité a été remise en question à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, lorsque les grandes puissances européennes se sont livrées à un morcellement de l’Afrique, rendant les frontières plus tangibles mais souvent arbitraires.
La libération des colonies dans les années 1950 et 1960 a alors redynamisé le débat sur les frontières. Avec l’indépendance de l’Algérie en 1962 et celle du Maroc peu avant, les déclarations de nationalisme ont refait surface, avec le concept du « Grand Maroc » qui intégrait des territoires jadis sous la coupe marocaine. Ces aspirations ont mené à des tensions croissantes, culminant dans la guerre des sables en 1963, un conflit armé qui a exacerbé les relations déjà tendues entre les deux nations.
Bien que la convention de Rabat de 1972 ait mis en place des lignes de démarcation officielles, les disputes territoriales demeurent latentes. La sortie des troupes espagnoles du Sahara occidental en 1976 a également ravivé ces tensions, illustrant la fragilité de la paix entre les deux pays. À partir de 1994, la situation a atteint un point de non-retour avec la fermeture totale de la frontière, marquant un isolement croissant des deux côtés.
Récemment, la situation s’est encore aggravée avec la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, décision qui a déclenché la colère en Algérie. Cette réaction démontre que les cicatrices du passé colonial continuent de façonner les rapports entre ces deux États voisins. En conséquence, la question des frontières, bien que déterminée par des accords diplomatiques et militaires, est toujours en proie à des inégalités et des revendications historiques.
Aujourd’hui, alors que les gouvernements s’efforcent de stabiliser leurs relations, la nécessité d’un dialogue ouvert et sincère est plus pressante que jamais. La question des frontières ne peut plus être uniquement une problématique de délimitations géographiques, mais doit également inclure des dialogues sur l’identité nationale, l’histoire commune, et les aspirations des peuples concernés. L’avenir des relations entre l’Algérie et le Maroc dépendra en grande partie de leur capacité à transcender ces vieux conflits et à regarder vers un avenir où la coopération pourrait remplacer l’affrontement. La voie vers la paix et le progrès semble difficile, mais elle est essentielle pour construire une stabilité durable dans la région.