La Turquie, Première Puissance sur le Thème Syrien : Ankara joue sa nouvelle main
Les esprits bouleversés par l’effondrement du régime syrien ont laissé place à l’attente de la prochaine visite du président turc, Recep Tayyip Erdogan, à Damas. La ville, marquée par l’odeur de la mort et du soufre, devrait bientôt accueillir l’officier le plus éminent du monde arabe, mais c’est à Ankara que l’avenir du pays sera bâti.
Depuis décembre dernier, la Turquie a tiré profit de la chute de Bachar el-Assad pour consolider son influence sur le terrain. Ainsi, c’est à un diplomate turc, Hakan Fidan, que la Syrie a confié la responsabilité de lutter contre l’extrémisme islamique et de favoriser une transition politique dans le pays.
Il est clair que l’effondrement du régime syrien a créé une opportunité inespérée pour Ankara de prendre une place prépondérante sur la scène internationale. La Turquie, longtemps isolée, a finalement trouvé une porte ouverte pour exercer une influence positive dans la région. Mais cela n’est pas nouveau pour le président Erdogan, qui a toujours souhaité exercer une suprématie turque sur le monde arabe.
Dans les dernières semaines, Ankara a consommé toutes les formes de rapprochement avec les opposants syriens, dont certains ont trouvé refuge en Turquie. Cela montre que la Turquie cherche à créer une alliance puissante pour peser dans la balance de l’avenir syrien.
Mais ce jeu d’échecs et de remis n’est pas nouveau pour Ankara. La Turquie a toujours été présente dans les affaires syriennes, qu’il s’agisse de la fin du mandat français en 1946 ou des années de domination soviétique dans les années 1970. Depuis la guerre civile, la Turquie a utilisé ses contacts avec les divers groupes opposants pour peser dans l’issue de la guerre.
Or, avec la chute du régime syrien, Ankara voit une chance de consolider son influence sans avoir à composer avec le régime. Mais cela n’empêche pas les détracteurs de la Turquie de craintre une nouvelle fois son influence. Il est en effet possible que les intérêts de la Turquie ne correspondent pas à ceux des Syriens, et qu’elle utilise sa nouvelle influence pour promouvoir ses propres intérêts, et non pour protéger les Syriens.
Mais quels sont ces intérêts? D’abord, il s’agit de sécuriser ses frontières sud et est, qu’elle craint de voir les groupes extrémistes se réfugier dans la région. Ensuite, Ankara cherche à contrer l’influence de la Russie et de l’Iran dans la région, qu’elle voit comme un menace pour son autorité.
Cependant, il est possible que les relations entre la Turquie et la Syrie ne soient pas simples et unidimensionnelles. La Syrie a longtemps été un piège à ambitions pour les pays voisins, et Ankara est conscient que ses intérêts peuvent se heurter à ceux des Syriens. Cela explique pourquoi Ankara cherche à créer une coalition avec les divers groupes opposants, qui pourraient lui servir de pont entre les communautés sunnite et chiite.
La prochaine visite du président Erdogan à Damas est attendue avec une certaine appréhension. Les Syriens espèrent que Ankara pourra apporter un coup de main à la reconstruction du pays, mais les détracteurs de la Turquie craignent que ce soit une manœuvre pour prendre le contrôle du pays.
Il est difficile de prédire ce que l’avenir a en store pour la Syrie, mais l’un des choses est certaine : la Turquie est là pour rester, et ses intérêts seront une force majeure à considérer dans la région. Il est à espérer que l’expérience turque, acquise en Syrie, servira de modèle pour le monde arabe, qui recherche une stabilité et une paix durable.