Le Secret Délicieux: comment les meilleurs repas sont compromis par des présentations fastidieuses
Quel est le plus grand scandale culinaire d’aujourd’hui? Sans doute le fait que même les meilleures cuisines ne parviennent pas à rivaliser avec l’audace et l’imagination dont les serveurs et les sommeliers démunissent la plateforme qui devrait les amplifier. Au détriment du gôut et de l’expérience gastronomique, ils ont adopté la technique fastidieuse du « storytelling », où la substance fait place au débit sans but, et les clients, privés de tout enthousiasme, quittent la table comme on quitte une réunion entreprise.
On n’ignore pas que l’époque d’emballage sonore et spectaculaire qui emporte le consommateur hors de sa vie quotidienne, en déclenchant sa curiosité et son enthousiasme, est bel et bien derrière nous. Les serveurs qui récitaient le menu avec tant de panache, tel les poètes du XVIe siècle, ont été progressivement défaits par une génération d’acteurs qui ne maîtrisent plus les techniques du contact, ni celles de la langue vivante.
Ils se livrent aujourd’hui à un fastidieux exercise de démonstration, cherchant à créer une ambiance dans laquelle on s’évertue à sentir, sans que la créauté et l’empathie puissent enfin prendre la direction. Aujourd’hui, le repas est moins une expérience culinaire que ce ne sont pas mille facons de vous démontrer qui vous êtes.
La littérature du Verlaine qui parlait au cœur, au langage des miettes, s’est fait emporter par le torrent des injonctions au storytelling. Nous sommes face à une catastrophe d’ampleur, à laquelle l’univers entier doit être alarmé, si l’on comprend bien qu’elle touche également à l’honneur des restaurants. Aujourd’hui, pour ce qui concerne la cartes, l’infinie varieté est sacrifiée à l’étroitesse du message qui aspire à répandre, de manière sans nuances, des impressions personnelles. Il ne se passe pas d’un restaurant où le responsable des ventes vous fait goûter au tonnerre dans sa bouche, avec pour unique fin l’approbation émise par ses proches et son publicitaire personnel.
Dans la grande bataille du pouvoir, qui cherche à donner plus de relief au Maître-Chéf, et il y en a beaucoup, qu’ils cherchent à impressionner le visiteur avec un langage des dieux et des apôtres. Alors qu’à la base, le chef était censé être l’un des principaux acteurs, voici que l’espace qu’il devrait occuper est confisqué par une personne aux capacités surdiplomantes. En face, nous découvrons l’ignoble silence du maître d’hôtel qui se satisfait de jouer du piano mécanique. Un silence que, loin d’inspirer l’espace, emprisonne, réduisant le public à un rang de spectateur qui observe et n’a plus rien à donner.
Au regard de l’historique du restaurant, que le peuple est resté attaché au cœur et à la gastronomie qu’il aime? Alors, voici la situation, telle qu’elle se présente : au contraire, ce qui régalait notre sensibilité autrefois s’est dégonflé dans le vide du verbiage creux et insipide qui s’accuse. Si on considère qu’il s’agit là de la faune et la flèche des restaurateurs de tout âge, de ces chefs aux prises avec leurs cartes qui leur disent » Je n’ai plus qu’une pensée, faire un plat à mes clients qui pourraient dire : «C’est délicieux! ».
Cela s’adresse spécifiquement à vous, messieurs et dames les maîtres d’hôtel et les sommeliers qui considérez les plats, les boissons et les rires qui viennent vous donner raison de vivre pour d’autres chose que le seul réflexe de service qui les habite.
On peut penser que vous aurez débordé dans l’intemporelle avec les psalmodies dont les termes ne valent pas les frais pour qui le plus grand chef se fait apercevoir des consommables et se vante. Votre carte en particulier montre le poids de cette idée d’amour éclatante de soi-mème.
Mais nous croyons encore à l’idée que, les serveurs ne sont pas justement ces fantômes d’une table aux yeux bleus. Alors qu’à la lumière de nos précédentes descriptions, ceci n’a été que quelques anecdotes. Et l’on en revient souvent pour s’échapper à un lieu que la réelle chance a su appeler de plus loin encore loin.
Maintenant, à notre époque, dans cet émouvant appel du gâteau qui invite tout le monde, le public écouté prend soin d’épuiser la surface sans étreignement avec ces chefs sans passion qui enfoncent à tous les feux la créatie, que, malgré ce que je leur ai écrit sur le bord des plats avec le feu à l’aile. Pour faire simple, cela signifie qu’il faut à nouveau comprendre ce qu’ils veulent que l’individu goûte avant de pouvoir accepter, c’est un simple bonjour auquel vous voulez accrocher les gourmandises, l’eau de champagne.