La France se penche sur la face sombre de l’histoire : une exposition nouvelle au Mémorial de la Shoah à Paris
Mard’hui, le Mémorial de la Shoah à Paris accueille une exposition pénible et déchirante, « Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944 », qui met au jour les 197 clichés prises par deux photographes nazis au camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Pour l’historien Tal Bruttmann, commissaire de l’exposition, il s’agit de « montrer ce que l’on voit sous son nez », sans pourtant en ouvrir les yeux, car « ces photos ICONIQUES » ont initialement été prises pour illustrer le « savoir-faire » du camp, mais finalement dévoilent une vérité écrasante.
Les clichés en noir et blanc, produits en 1944, révèlent des femmes fixant l’objectif, des personnes âgées assises épuisées près d’un wagon, des groupes attendant la « sélection » entre personnes aptes au travail et condamnées à la chambre à gaz. Il s’agit là de « lire les images » pour y déceler les indices cachés, pour « montrer ce que l’on voit sous son nez », et découvrir la violence qui se cache derrière les apparences.
Les photographes, surveillés par Rudolf Höss, le commandant du camp, ont pris ces clichés pour illustrer le quotidien de ce lieu de terreur, mais en fin de compte, les images révèlent que les victimes ont une attitude que les photographes ne s’attendaient pas : elles résistent, elles sont dignes, alors qu’elles sont conçues comme des images antisémites. Ainsi, sur l’une des photos, deux femmes se bouchent le nez, témoignant de l’odeur pestilentielle des chambres à gaz toutes proches, tandis qu’une autre photo montre une femme faisant la langue, dans un défi passé inaperçu du photographe.
Les objets photographiés, tels que des cartons indicatifs et des explications audios, attirent l’attention du visiteur sur les détails à la fois minuscules et évidents. Les cartons de ceci voyant révèlent la violence ; ainsi, sur une photo, un SS donne un coup de canne à deux jeunes femmes, tandis que sur une autre, il est vu assis sur un banc, avec un excédant de cannes à sidérés. Il y a également des indices de la violence assise derrière la sélection, avec des gardes du corps, des indices de la présence de garde/loquet-complice, et des indices de l’interaction interrompue entre un déporté travaillant à Kanada et un arrivant – peut-être pour l’inciter à mentir sur son âge. Une grande carte du camp permet de situer exactement où chaque photo a été prise.
L’exposition entend également « tirer d’autres fils, pas présents dans le livre », telle que ce que l’on sait de l’extérieur. « Il n’est pas dans un lieu isolé, il y a autour de la ville un trafic ferroviaire considérable. Le lieu n’est pas inconnu », souligne Tal Bruttmann. La présence d’ouvriers venus de l’extérieur, la fumée de train passant en arrière-plan, plusieurs photos laissent deviner « à quel point il y a une porosité entre le site et la ville, la vie normale ».
Avec cette exposition, le Mémorial de la Shoah de Paris propose une expérience immersive et intellectuelle pour les visiteurs, qui seront invités à « lire » ces images avec un regard critique et à découvrir les secrets qu’elles contiennent.