Le conflit qui gangrène le Catatumbo colombien: entre répression et tentative de paix
Les échos des souffrances des Colombiens s’égrènent comme des notes sombres, projetées sur la région du Catatumbo, zone à l’épreuve de la violence, qui paraît ne plus jamais se détacher de son empreinte de sang et de mort. Depuis dix jours, l’attaque brutale de la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) contre un groupe armé rival, composé de dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), a déclenché un tollé meurtrier qui fait les chuchoter les plus sombres échos du conflit armé colombien.
La réaction gouvernementale a été radicale, comme le rappelle le « état d’agitation interne » déclaré pour dix localités de la région, et le déploiement de 9 000 militaires pour rétablir l’ordre. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle, n’appliquée plus depuis 2008, comme l’a observé Manuel Alejandro Rayran, professeur à l’Université Externado, selon qui le gouvernement entendait préserver la stabilité et maintenir les autorités face à une possible énorme confrontation. Il faut une feuille de route claire et un pacte territorial pour transformer le Catatumbo.
Iris Martin Ortiz, représentante nationale du bureau du Défenseur du peuple, déplore : « Nous sommes certainement en face de la pire crise humanitaire que le Catatumbo ait jamais connue. Plus de 38 600 personnes ont dû fuir leur foyer et chercher refuge en quelques jours. » Le Catatumbo est devenu un labyrinthe de chaos, où la peur, la misère et la destruction font la loi. Les communautés villageoises ont été envahies, les champs incendiés, les fermes ravagées et les maisons réduites en cendres.
Il y a quarante ans que le conflit armé colombien ne prend pas fin, malgré les nombreux efforts pour y mettre un terme. L’armée colombienne et la guérilla ELN, issue des rangs de la Farc, ont livré des batailles sans merci pour contrôler la région riche en pétrole et en gaz naturel. La violence s’est amplifiée ces derniers temps, obligeant des dizaines de milliers de personnes à quitter leurs biens et à fuir dans des conditions indignes.
Tandis que le gouvernement et la guérilla semblent en instance de déchaîner la fureur de la violence, les analystes déploreraient le manque d’initiative politique pour parvenir à un accord. L’attitude de la présidente colombienne, Iván Duque, est vue par beaucoup comme celle d’une poursuite des opérations militaires pour écarter les rébelles de la région. Pourtant, l’objectif doit être de créer une zone de sécurité pour les habitants et les acteurs de la région.
En face des massacres et des violences, il faudrait s’entourer de réflexion et de concertation. Le moment est venu pour les gouvernants, les chefs de la guérilla et les responsables de la région de travailler ensemble pour définir un projet de paix solide, répondant aux attentes de la population. En l’absence de dialogue, le risque d’un conflit immense s’accentue, selon les analystes. Le moment est critique et la pression pour un arrangement doit être constante.
Cependant, l’armée colombienne continue de combattre avec force et rigueur, poursuivant la rébellion en profondeur, comme si l’efficacité des armes devait vaincre la frustration et la rage qui se dissémine au sein de la population. Pourtant, cette approche militarisée est contestée par les opposants qui réclament une réponse politique pour endiguer les ravages de la guerre.
Face aux ravages de la violence et à l’inconduite du conflit, il y a un urgent besoin de responsabilité politique. Le moment est venu de faire entendre la voix des Colombiens qui cherchent la paix et le calme pour se retrouver, et pour leur avenir. Le monde suit les échos du Catatumbo, anxieux pour l’avenir de ces régions bouleversées, et exige de ses dirigeants qu’ils aillent jusqu’au bout pour créer une zone de paix durable, protégeant les civils et mettant fin aux affres du conflit.