La Diplomatie en-question : Les médias ukrainiens expriment leur scepticisme face aux négociations entre Trump et Poutine
La décision conjointe de Donald Trump et Vladimir Poutine de négocier pour mettre un terme à la guerre en Ukraine a déclenché un tollé dans les médias ukrainiens. Les journaux et les sites web du pays expriment leur scepticisme et leurs craintes quant à l’issue de ces négociations, qui pourraient conduire à des compromis préjudiciables pour l’Ukraine.
Il y a quelques jours, l’éditorialiste du journal libéral ukrainien Kyiv Independent écrivait : "Si l’un d’entre vous espérait que le président américain Donald Trump se montrerait dur envers Vladimir Poutine, désolé de vous décevoir". En effet, les États-Unis et la Russie ont évoqué la possibilité d’ouvrir des négociations de paix sur l’Ukraine, qui pourraient se tenir en Arabie saoudite. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été contraint d’en acter le principe, sans savoir quel niveau de concessions lui sera demandé.
Les médias ukrainiens dressent un tableau lucide et amer des événements. Le Kyiv Independent estime que "Trump et son équipe ont ramené Poutine à la table des négociations, balayé l’option d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et ont déclaré qu’un retour aux frontières d’avant l’invasion était irréaliste". En d’autres termes, poursuit le journaliste, "ils ont donné à Moscou exactement ce qu’il voulait avant même le début des négociations".
Le journal en ligne pro-européen Ukrainska Pravda s’interroge sur la lucidité des Américains : "Est-il bien clair de l’autre côté de l’océan que cette fois-ci, la Russie va revendiquer plus que la seule Ukraine ?" Avant de poursuivre : "Sauver le monde n’a jamais été un business. On ne faisait jamais de bonnes affaires avec des meurtriers".
La presse ukrainienne est également étonnée que la Russie soit considérée comme un négociateur placé sur un pied d’égalité avec l’Ukraine. "Même si Kiev doit faire des compromis avec l’agresseur, le monde ne doit pas oublier que c’est Moscou qui est l’agresseur", lit-on dans l’Ukrainska Pravda. Le média indépendant Hromadske tente de se rassurer sur ce point, en soulignant que Trump "parle aussi avec Zelensky" et que le président américain "souligne que l’Ukraine souhaite un accord de paix et tient la Russie pour responsable de la poursuite de la guerre".
Plusieurs médias relèvent la demande d’accord sur les minerais ukrainiens, qui constituerait selon les Américains un "remboursement" pour l’aide fournie à l’Ukraine. Dans une tribune publiée dans le journal anglophone basé en Ukraine Kyiv Post, intitulée "La liberté n’est pas une transaction", l’auteur affirme que "ce qui peut sembler une transaction raisonnable – du matériel de défense contre des minéraux – que l’on pourrait conclure avec n’importe quelle nation du monde en temps de paix, n’est pas envisagée dans des circonstances ordinaires". En effet, "l’Ukraine se bat pour sa survie". Et le journaliste de poursuivre : "Les idées de liberté ne sont pas des jetons dans un jeu commercial. Dans un monde toujours prêt à se désintégrer dans la barbarie, nous devons établir un mécanisme de gouvernance essentiel qui soit enraciné dans un cadre moral".
Toutefois, un sondage réalisé par Michael Ashcroft et publié dans l’hebdomadaire libéral Kviv Post révèle que la majorité des Ukrainiens sont en faveur d’une négociation. Selon ce sondage, "le pays accepte de plus en plus l’idée qu’un règlement devra être négocié plutôt que résolu sur le plan militaire". Seules trois personnes sur dix estiment qu’il est possible pour l’Ukraine de récupérer l’intégralité du territoire annexé par la Russie et que le pays doit se battre jusqu’à ce qu’il y parvienne.
Le Kyiv Independent ne dit pas le contraire : "Personne ne souhaite plus que les Ukrainiens la fin de cette guerre. Ce sont nos maisons qui sont attaquées par des drones chaque nuit. Ce sont nos amis qui meurent au combat. C’est notre jeunesse qui a été volée par cette guerre". Toutefois, l’éditorialiste se dit persuadé "qu’un compromis avec la Russie ne mettra pas fin à cette guerre". Il poursuit, à l’adresse des chefs d’État européens : "Il ne peut y avoir de compromis dans cette guerre. La Russie gagne, l’Occident perd. L’Occident gagne, la Russie perd. Europe, c’est le moment d’agir !"
En somme, les médias ukrainiens expriment leur scepticisme face aux négociations entre Trump et Poutine, craignant que les compromis préjudiciables pour l’Ukraine ne puissent être conclus. La presse ukrainienne souligne que la Russie est l’agresseur et que les négociations ne doivent pas oublier ce fait. Alors que la majorité des Ukrainiens sont en faveur d’une négociation, les médias ukrainiens estiment que les idées de liberté ne sont pas des jetons dans un jeu commercial et que l’Ukraine se bat pour sa survie. La question qui se pose désormais est de savoir si les chefs d’État européens prendront en compte ces préoccupations et agiront pour défendre les intérêts de l’Ukraine.