La nomination de Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel : un problème de légitimité
Le choix de Richard Ferrand pour présider le Conseil constitutionnel, soutenu par le président Emmanuel Macron, pose un problème de légitimité selon le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud. Dans un entretien accordé au Lesoir, M. Chagnollaud explique pourquoi la nomination de M. Ferrand est problématique et pourquoi elle risque de rendre suspectes toutes les décisions des Sages.
Un rôle fondamental pour le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel est l’une des institutions les plus fondamentales de la Ve République, garante de la constitutionnalité des lois. Son rôle a considérablement évolué depuis 1958, et il juge désormais au nom de la Constitution. Les prédécesseurs de Laurent Fabius avaient tous une solide formation juridique, ce qui n’est pas le cas de Richard Ferrand. M. Chagnollaud souligne que la nomination de M. Ferrand serait une première et poserait un problème de légitimité pour l’institution.
Une tradition de nominations contestée
La nomination d’anciens présidents de l’Assemblée nationale à la tête du Conseil constitutionnel n’est pas une tradition. M. Chagnollaud rappelle que les nominations de Jean-Louis Debré et Laurent Fabius ont eu lieu quelques mois avant la fin du mandat de Jacques Chirac et François Hollande, respectivement. Il estime que le président Macron a encore presque trois ans devant lui avant de devenir membre de droit à la fin de son mandat, s’il le souhaite.
Les activités passées de Richard Ferrand
Les activités passées de Richard Ferrand, notamment son parcours en tant que journaliste et directeur général des Mutuelles de Bretagne, ne sont pas rassurantes. M. Chagnollaud souligne que M. Ferrand a conservé des liens étroits avec ces organismes, ce qui pourrait soulever des questions sur son impartialité. De plus, sa nomination à la tête du conseil de surveillance d’Elsan, premier groupe français de cliniques privées, en juillet dernier, est également contestée.
L’utilité d’une audition par les commissions des lois
L’audition de Richard Ferrand par les commissions des lois de chaque assemblée est importante pour garantir la qualité des choix de ses membres. La réforme constitutionnelle de 2008 prévoit que une majorité des 3/5e des suffrages exprimés des deux commissions des lois de chaque assemblée peut s’opposer à cette nomination. Cependant, M. Chagnollaud estime que cette procédure est insuffisante pour garantir la légitimité de la nomination.
Les risques de suspecter les décisions du Conseil
La nomination de Richard Ferrand pourrait rendre suspectes toutes les décisions du Conseil constitutionnel. M. Chagnollaud souligne que les membres du Conseil doivent être non seulement compétents, mais également légitimes aux yeux de tous et irréprochables. Il estime que la proximité politique de M. Ferrand avec le président Macron, ainsi que ses activités passées, pourraient soulever des questions sur son impartialité.
Une évolution négative de l’institution
M. Chagnollaud estime que la tendance actuelle est négative pour l’institution. Il souligne que les dernières grandes décisions du Conseil, notamment sur les retraites et l’immigration, ont été controversées. Il estime que le Conseil ne fait plus consensus sur la plupart des bancs, y compris ceux de la doctrine.
Un profil idéal pour la fonction
M. Chagnollaud estime que le profil idéal pour la fonction de président du Conseil constitutionnel est une personnalité qui n’inspire pas d’emblée la méfiance. Il souligne qu’il faudrait exiger des membres du Conseil une capacité en droit, exigée par le Conseil lui-même pour les juges de proximité, ainsi qu’une déclaration de patrimoine à la haute autorité pour la transparence de la vie politique.
En conclusion, la nomination de Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel pose un problème de légitimité et risque de rendre suspectes toutes les décisions des Sages. Il est essentiel de garantir la qualité des choix de ses membres et de veiller à ce que les membres du Conseil soient non seulement compétents, mais également légitimes aux yeux de tous et irréprochables. La tendance actuelle est négative pour l’institution, et il est nécessaire de trouver un profil idéal pour la fonction de président du Conseil constitutionnel.