La santé mentale en prison : un enjeu oublié
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a récemment déclenché une polémique en ordonnant l’arrêt des "activités ludiques" en prison, ne concernant pas l’éducation, la langue française ou le sport. Cette décision a suscité la colère de nombreux acteurs du secteur, notamment les professionnels de santé exerçant en prison. Pourtant, certaines de ces activités font partie intégrante de la prise en charge psychique des détenus souffrant de troubles psychiques. Pascale Girivalli, présidente de l’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP), nous explique pourquoi ces activités sont essentielles pour la réinsertion psychosociale des détenus.
Des activités thérapeutiques, pas des activités ludiques
Les "activités groupales de soin" sont un outil de soin psychique qui existe depuis des décennies. Il s’agit d’activités de création artistique, de théâtre, de jeux de société, de psychomotricité ou de médiation animale, encadrées par des professionnels de santé. Ces activités sont proposées aux détenus qui en ont besoin, après une évaluation médicale. Elles font partie d’un processus de soin global, au même titre que les traitements médicamenteux. "Ces activités nous permettent de travailler sur les règles et les interactions sociales, de développer l’estime de soi et de favoriser la réinsertion", explique Pascale Girivalli.
Une décision qui fragilise les prisons
L’arrêt des "activités ludiques" a provoqué une vague de colère dans les prisons. Certains agents de l’administration pénitentiaire ont même fait irruption dans les unités sanitaires pour interrompre les activités en cours. Selon Pascale Girivalli, ces actions ont fragilisé certaines prisons déjà en difficulté et ont conduit certaines directions pénitentiaires à englober les activités de soin dans le vocable "activités ludiques". "C’est une aberration", déclare-t-elle. "Ces activités sont essentielles pour la santé mentale des détenus et ne peuvent pas être considérées comme des activités de loisir".
Le mot "ludique", un terme mal choisi
Le mot "ludique" a cristallisé les tensions autour de cette question. Selon Pascale Girivalli, ce terme est mal choisi, car il minimise l’importance de ces activités pour la santé mentale des détenus. "En détention, la mission de l’administration pénitentiaire est la réinsertion", explique-t-elle. "Ces activités nous permettent de favoriser la réinsertion en offrant aux détenus la possibilité de se concentrer, d’interagir avec les autres et de développer leur estime de soi". Le plaisir est une émotion normale de la vie, qui doit être apprivoisée et gérée, même en prison.
La santé mentale en prison, un enjeu oublié
La santé mentale en prison est un enjeu majeur, qui est souvent oublié. Les détenus souffrent de troubles psychiques, de dépression, d’anxiété et de troubles du sommeil. Les professionnels de santé exerçant en prison doivent faire face à des injonctions paradoxales : d’un côté, ils sont incités à renforcer les programmes de promotion de la santé et de prévention du suicide, mais de l’autre, ils sont confrontés à une logique sécuritaire qui entrave les conditions éthiques et déontologiques de l’accès au soin. "C’est de plus en plus compliqué de soigner en prison aujourd’hui", déclare Pascale Girivalli. "Beaucoup de professionnels de santé préfèrent s’en aller, car ils ne peuvent pas exercer leur métier dans des conditions dignes".
En conclusion, les "activités groupales de soin" sont essentielles pour la réinsertion psychosociale des détenus souffrant de troubles psychiques. Il est important de reconnaître leur valeur thérapeutique et de les distinguer des activités ludiques. La santé mentale en prison est un enjeu majeur, qui nécessite une attention particulière et des conditions de soin dignes. Il est temps de revoir la politique pénitentiaire et de donner la priorité à la santé mentale des détenus, rather que de les considérer comme des "détenus" Rather que des êtres humains.