La Liberté de la Presse en Péril en Algérie : Le Cas d’Ihsane El Kadi
Depuis 600 jours, Ihsane El Kadi, fondateur et directeur de la station privée en ligne Radio M et du média Maghreb Emergent, est privé de liberté. Ce journaliste virulent critique du gouvernement a été condamné à sept ans de prison pour financement étranger en juin 2023. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) exige sa libération immédiate et inconditionnelle, considérant que sa détention est une grave atteinte à la liberté de la presse et aux droits des journalistes.
La situation d’El Kadi est d’autant plus préoccupante que le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, candidat à sa réélection lors des présidentielles du 7 septembre prochain, a gracié plus de 8 000 prisonniers à l’occasion de la fête de l’indépendance du pays, le 5 juillet. La FIJ regrette que le journaliste El Kadi, âgé de 65 ans, n’ait pas été inclus dans les décrets présidentiels accordant les grâces, et dénonce le fait qu’il soit injustement emprisonné depuis 600 jours.
El Kadi est un journaliste connu et respecté, lauréat du prix "Omar Ourtilane" pour la liberté de la presse en Algérie et défenseur de longue date des libertés démocratiques dans le pays. Il est en détention depuis le 24 décembre 2022, poursuivi pour avoir reçu des financements étrangers à des fins de propagande politique, conformément à l’article 95 bis du code pénal. Cet article permet aux tribunaux de punir "d’un emprisonnement de cinq à sept ans et d’une amende de 700 000 dinars algériens (environ 5 150 USD), quiconque reçoit de l’argent, des dons ou des avantages pour accomplir des actes de nature à porter atteinte à la sûreté de l’Etat".
Les institutions médiatiques algériennes dépendent largement du soutien financier fourni par le gouvernement, ce qui les rend vulnérables à la censure et à la répression. Les journalistes et les médias critiques sont privés de ce financement public, et la législation empêche les médias de recevoir un soutien financier international. Cette situation vise à mettre un terme aux reportages critiques sur le pays, et à museler la liberté de la presse.
Le verdict du tribunal a ordonné la dissolution d’Interface Médias, société mère de Radio M et de Maghreb Emergent, le 13 juin 2024. Le journaliste avait été condamné par la Cour d’appel d’Alger à sept ans de prison – cinq derrière les barreaux dont deux avec sursis – lors du procès en appel en juin 2023. La cour d’appel a allongé sa peine de prison de cinq à sept ans, après que l’équipe juridique du journaliste a fait appel d’une décision de justice datant d’avril 2023.
En octobre 2023, la Cour suprême algérienne avait rejeté deux appels interjetés par l’équipe juridique du journaliste, qui constituaient probablement le dernier moyen de lutter contre sa condamnation. Le Parlement européen a adopté une résolution demandant la libération immédiate et inconditionnelle d’El Kadi. La FIJ fait campagne pour sa libération depuis son arrestation le 24 décembre 2022.
Les médias qu’El Kadi a fondés et qu’il dirige, Radio M et Maghreb Emergent, ont publié un article affirmant que ses reportages critiques sur le second mandat du président algérien Tebboune et les organisations affiliées au mouvement populaire qui s’oppose à lui étaient probablement la raison de son arrestation. Le secrétaire général de la FIJ, Anthony Bellanger, a déclaré : "Notre collègue Ihsane El Kadi est un journaliste algérien connu et respecté, qui a été privé de liberté pendant 600 jours pour avoir simplement fait son travail. Il ne devrait pas passer un jour de plus en prison. Bien que sa condamnation à sept ans de prison – cinq derrière les barreaux dont deux avec sursis – soit définitive, nous demandons aux autorités algériennes de réexaminer cette affaire, qui constitue une grave atteinte à la liberté de la presse et aux droits des journalistes".
La détention d’El Kadi est un exemple flagrant de la répression de la liberté de la presse en Algérie. La FIJ et la communauté internationale doivent continuer à faire pression sur les autorités algériennes pour qu’elles respectent les droits des journalistes et libèrent El Kadi. La liberté de la presse est un droit fondamental qui doit être protégé et respecté, et les journalistes doivent être en mesure de faire leur travail sans crainte de répression ou de persécution. La libération d’El Kadi est un pas nécessaire pour restaurer la confiance dans la démocratie et la liberté de la presse en Algérie.