La Voix de la Raison face à la Répression en Algérie
Il y a plus d’un an que le journaliste Ihsane El Kadi croupit dans les geôles algériennes, condamné à cinq ans de prison ferme pour des accusations qui sentent la répression politique. Le patron du journal Maghreb Emergent a été l’un des rares à oser défier le pouvoir en place, en couvrant de près le mouvement Hirak qui a fait tomber le président Abdelaziz Bouteflika en 2019. Aujourd’hui, de nombreuses personnalités, dont le célèbre écrivain Yasmina Khadra, se mobilisent pour exiger sa libération.
Yasmina Khadra, qui a signé un appel aux côtés de 29 autres personnalités algériennes, estime que la moindre des choses est de soutenir les gens qui sont dans le désarroi le plus complet. "Il faut essayer, de temps en temps, de soutenir les gens qui sont dans le désarroi le plus complet", déclare-t-il. "Je ne sais pas ce qu’on lui reproche exactement, mais s’il a été arrêté pour ses idées, ce serait vraiment horrible, parce que quelqu’un qui n’est pas d’accord avec vous n’est pas forcément votre ennemi."
L’écrivain algérien estime que la répression en Algérie est une réalité qui doit être dénoncée. "En Algérie, maintenant, n’importe qui peut être arrêté pour n’importe quoi, c’est ça qui me chagrine", déclare-t-il. "Je ne comprends pas comment un pays qui a traversé tant de déconvenues, tant de misère, tant de guerres, tant d’horreur puisse encore, aujourd’hui, ne pas comprendre où est son salut." Selon lui, le salut de l’Algérie réside dans la liberté d’expression et la démocratie, et non dans la répression et la tyrannie.
Yasmina Khadra a cru, en 2019, à une vraie libération en Algérie, au moment du mouvement Hirak. "Oui, mais quelle vérité malheureusement ?", se demande-t-il aujourd’hui. "La vérité, elle est là, aujourd’hui. Ce peuple qui s’est réveillé, je le dis depuis le début, il lui fallait un groupe de personnes ou une personne assez charismatique pour incarner les revendications légitimes d’un peuple." Cependant, il estime que le mouvement a été torpillé par des infiltrations et des revendications qui n’étaient pas prioritaires.
La mise en prison d’Ihsane El Kadi a suscité une émotion internationale, avec des appels à sa libération lancés par de nombreuses personnalités. Cependant, Yasmina Khadra estime que les Algériens doivent se prendre en charge et que les interventions étrangères pourraient être contre-productives. "Il faut que les Algériens se prennent en charge, parce qu’il y a des gens qui ne sont pas en odeur de sainteté en Algérie", déclare-t-il. "Il faut que le président Tebboune puisse nous écouter nous, les Algériens."
L’écrivain algérien estime que la voix de la raison doit prévaloir en Algérie, et que le président Tebboune doit se souvenir de son propre passé pour éviter de tomber dans les mêmes travers. "Moi, je n’aime pas le mot ‘clémence’", déclare-t-il. "Moi, j’aime plutôt la raison, un geste de raison. La clémence, personne n’est Dieu, on n’est pas là pour attendre, pour quémander la pitié, ou je ne sais quoi." Selon lui, ce qu’il faut, c’est la raison, la sagesse et la liberté pour les Algériens, notamment pour Ihsane El Kadi, qui doit être libéré dans les plus brefs délais.
La signature de l’appel par Yasmina Khadra aux côtés de 29 autres personnalités algériennes, dont la grande combattante pour l’indépendance Louisette Ighilahriz, est un geste fort qui montre que les Algériens ne sont pas prêts à abandonner la lutte pour la liberté et la démocratie. "C’est la référence historique, cette dame", déclare-t-il à propos de Louisette Ighilahriz. "Elle n’est pas seulement la grande combattante, c’est la référence historique. C’est l’une des dernières bannières de la guerre de libération en vie." Sa voix doit compter, estime Yasmina Khadra, et les hautes sphères algériennes doivent reprendre conscience de leurs responsabilités face à l’Histoire et face au peuple algérien.
En cette année électorale, où le président Abdelmadjid Tebboune sera sans doute candidat, Yasmina Khadra espère que les Algériens pourront enfin retrouver la voie de la raison et de la liberté. "Il faut qu’il essaie de se libérer lui-même de tout ce qu’il a subi et être président, être dans la raison, être constamment dans la raison", déclare-t-il. C’est le seul moyen, selon lui, pour que l’Algérie puisse sortir de la crise actuelle et retrouver son chemin vers la démocratie et la prospérité. La libération d’Ihsane El Kadi est un premier pas vers cette voie, et les Algériens doivent continuer à se mobiliser pour exiger la liberté et la justice pour tous.