La France face à une crise silencieuse : la mortalité infantile en hausse
Publié le 29 mars 2025 à 14h00, mis à jour le 29 mars 2025 à 14h49
En France, un phénomène inquiétant se déroule sous nos yeux, sans que l’on en prenne nécessairement conscience. Alors que notre pays faisait figure de modèle en matière de soins de santé et de réduction de la mortalité infantile il y a seulement vingt ans, les chiffres récents révèlent une réalité alarmante. La France a désormais l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés d’Europe, avec environ 4 décès pour 1000 naissances avant l’âge de un an. Ce qui peut sembler un chiffre faible à première vue, cache en réalité une debacle qui interpelle les spécialistes de la natalité et les responsables de la santé publique.
Les données compilées par l’Institut national d’études démographiques (Ined) sont sans appel : chaque année, environ 2800 enfants décèdent avant de fêter leur premier anniversaire, dont la majorité dans les semaines qui suivent immédiatement la naissance. Un chiffre qui, s’il peut paraître faible en comparaison des taux observés au début du 20e siècle (150 décès pour 1000 naissances), soulève néanmoins de sérieuses inquiétudes. En effet, si l’on compare la situation française à celle des pays scandinaves, on constate que pour une population égale, ces derniers rapportent 1200 décès en moins que la France.
Un constat alarmant
C’est le Pr François Goffinet, chef de la maternité de Port-Royal à Paris, qui sonne l’alarme. Selon lui, la situation est "très inquiétante" et "correspond à une dégradation continue de l’indicateur de mortalité infantile en France, alors que les autres pays européens continuent de l’améliorer". Cela signifie que non seulement la France n’améliore pas sa situation, mais qu’elle la voit se dégrader, ce qui est un phénomène extrêmement préoccupant.
Les raisons de cette dégradation sont complexes et multicfactorielles. Parmi celles-ci, on peut citer des facteurs tels que l’accès inégal aux soins de santé de qualité, des carences dans la formation et la supervision des professionnels de santé, ainsi que des problèmes de coordination entre les différents services de santé. Il est également important de prendre en compte les disparités sociales et géographiques, qui peuvent avoir un impact significatif sur les taux de mortalité infantile.
Les conséquences d’une décennie de négligence
La situation actuelle est en partie le résultat d’une décennie de politiques publiques qui n’ont pas accordé la priorité aux soins de santé materno-infantile. Les budgets alloués à ces domaines ont souvent été réduits, et les réformes entreprises n’ont pas toujours pris en compte les spécificités des besoins des mères et des nouveau-nés. La pénurie de personnel soignant qualifié, notamment dans les maternités, est un autre facteur qui a contribué à cette dégradation des soins.
Les conséquences de cette négligence sont multiples et graves. Outre le coût humain, incalculable, il y a le coût financier et social. Les familles touchées par la perte d’un enfant sont souvent plongées dans une détresse profonde, qui peut avoir des répercussions à long terme sur leur santé mentale et leur bien-être. De plus, les enfants qui survivent à des complications à la naissance peuvent présenter des problèmes de santé à long terme, ce qui peut générer des coûts supplémentaires pour le système de santé et la société dans son ensemble.
Vers une prise de conscience et une action concertée
Il est temps pour les pouvoirs publics, les professionnels de la santé et la société civile de prendre conscience de la gravité de la situation et de se mobiliser pour inverser la tendance. Cela nécessite une action concertée et multisectorielle, impliquant une révision des politiques publiques, une augmentation des investissements dans les soins de santé materno-infantile, ainsi qu’un renforcement de la formation et de la supervision des professionnels de santé.
Seule une approche globale et coordonnée peut permettre de redresser la barre et de ramener la France aux standards qu’elle avait il y a quelques décennies. Il est crucial que les décideurs politiques prennent en compte les leçons tirées de cette crise silencieuse et agissent sans tarder pour améliorer les soins offerts aux mères et aux nouveau-nés. Ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous pourrons espérer retrouver notre place parmi les pays ayant les meilleurs indicateurs de santé materno-infantile.