ENQUÊTE EXCLUSIVE : Le Grand Schisme du Cinéma Français
La 50e cérémonie des César a une fois de plus mis en lumière une réalité dérangeante : le cinéma français est divisé en deux mondes distincts, qui semblent vivre en parallèle sans jamais se croiser. D’un côté, il y a le public qui va au cinéma pour se divertir, qui recherche une forme de evasion et de plaisir immédiat. De l’autre, il y a ceux qui considèrent le cinéma comme un art, une forme d’expression intellectuelle qui doit être appréciée et analysée. Existe-t-il vraiment un cinéma des villes et un cinéma des champs ?
La preuve flagrante de cette division a été donnée par l’intervention de Franck Dubosc lors de la dernière cérémonie des César. L’humoriste a remporté tous les suffrages avec un sketch hilarant où il tenait fièrement une réplique miniature du trophée, remerciant l’académie pour ce « César de ceux qui ne l’ont pas eu ». Cette intervention a non seulement fait résonner les rires de l’assistance, notamment celui de Julia Roberts, mais a également mis en lumière la frontière impénétrable qui sépare ces deux mondes du cinéma.
Malgré une carrière de 40 ans, 52 films et 54 millions de spectateurs, Franck Dubosc n’a jamais reçu de César, pas même une nomination. C’est un exemple flagrant de la méconnaissance de l’industrie cinématographique à l’égard de ceux qui font rire et divertir les masses. Le César du public, qui récompensait le plus gros succès commercial de l’année, a été supprimé après seulement deux ans d’existence, suite à une polémique. Dany Boon et Olivier Baroux l’ont décroché pour leurs films respectifs, Raide dingue et Les Tuche 3, mais Philippe de Chauveron, réalisateur de Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?, a été écarté.
Cette division entre les deux mondes du cinéma est un phénomène qui s’observe depuis des années. Les films qui cartonnent au box-office, comme les comédies populaires ou les blockbusters hollywoodiens, sont souvent considérés comme relevant d’un cinéma de divertissement, sans prétention intellectuelle. Les films d’auteur, les drames et les œuvres expérimentales, quant à eux, sont souvent perçus comme plus exigeants, plus intellectuels, et donc plus dignes d’intérêt.
Mais est-ce que cela signifie que les films populaires sontpires que les films d’auteur ? Est-ce que le fait de plaire à un large public est nécessairement synonyme de manque de qualité ou de profondeur ? Les exemples de films comme Intouchables, de Éric Toledano et Olivier Nakache, ou Les Intouchables, de Thomas Lilti, prouvent que les deux mondes peuvent se rencontrer et produire des œuvres exceptionnelles qui touchent à la fois le public et la critique.
Il est temps de reconnaître que le cinéma est un art multiple, qui peut prendre différentes formes et différents tons. Il est temps de cesser de considérer les films populaires comme de la médiocrité, et de reconnaître qu’ils ont leur propre valeur et leur propre dignité. Le cinéma des villes et le cinéma des champs ne sont pas nécessairement des univers incompatibles. Ils peuvent coexister, se croiser et s’enrichir mutuellement.
En fin de compte, la division entre les deux mondes du cinéma est une question de perception, de regards et de jugements de valeur. Il est temps de remettre en question nos jugements et nos préjugés, et de considérer le cinéma dans toute sa diversité et sa richesse. Car, comme le disait Franck Dubosc, il y a des César pour ceux qui ne l’ont pas eu, et il est temps de les reconnaître et de les célébrer.