La Dernière Illusion d’Alger, la Mecque des Révolutionnaires
Lorsque l’eurodéputée insoumise Rima Hassan a déclaré sur les réseaux sociaux que « La Mecque des révolutionnaires et de la liberté est et restera Alger », ses mots ont déclenché une vague de consternation parmi les Algériens. Pourtant, il était une époque où la capitale algérienne était effectivement un phare de la résistance contre l’impérialisme américain et un symbole de la lutte pour la liberté des peuples du tiers-monde. Mais aujourd’hui, le pays est loin de cette époque glorieuse.
Dans les années 1960 et 1970, Alger était la ville où s’organisait la lutte pour l’indépendance et la liberté. Le pouvoir algérien accueillait et finançait des dizaines d’organisations indépendantistes, de l’Organisation de libération de la Palestine à l’ANC de Nelson Mandela, en passant par le Front de libération du Québec. Les personnages emblématiques de la révolution, tels que Che Guevara, y séjournaient régulièrement et y installaient la base arrière de plusieurs groupes marxistes sud-américains. Même les Black Panthers américains y avaient fondé leur bureau international.
Cependant, au fil des ans, le projet de « socialisme révolutionnaire » a laissé place à un régime entièrement contrôlé par l’armée, qui accapare les ressources énergétiques au détriment de la population. Aujourd’hui, plus d’un quart des jeunes Algériens sont au chômage, et le pays est classé 110e sur 167 dans l’index de démocratie publié par The Economist, ou encore 139e sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
La réalité actuelle est loin de celle que Rima Hassan a dépeinte. Le régime militaire algérien a chancelé avec la vague de protestation du Hirak en 2019, qui a fait tomber le président Abdelaziz Bouteflika. Depuis, le pouvoir a multiplié les lois répressives, assimilant toute critique du gouvernement ou de l’armée à du terrorisme. Des journalistes sont mis en prison, des médias ferment. Le cas le plus emblématique est celui d’Ihsane El Kadi, fondateur de Radio M et de Maghreb Emergent, condamné à sept ans de prison pour ses écrits.
La peur a également contaminé la diaspora algérienne. Des milliers d’Algériens utilisent leur liberté de parole à l’étranger pour critiquer le régime, mais ils risquent de se retrouver interdits de quitter le territoire s’ils osent rentrer en Algérie. Le régime a ainsi réussi à faire taire une grande partie de la diaspora.
Le 7 septembre, les Algériens seront appelés aux urnes pour la première fois depuis 2019. Le nom du vainqueur est déjà connu, puisque le président Abdelmadjid Tebboune conserve le soutien militaire. À Alger, les révolutionnaires dorment désormais en prison, tout comme la liberté. L’affirmation de Rima Hassan apparaît ainsi comme une nostalgie dépassée, une illusion qui cache la dure réalité de l’Algérie d’aujourd’hui. La « Mecque des révolutionnaires » est devenue un mythe, un souvenir lointain d’une époque où la liberté et la résistance étaient vivantes. Aujourd’hui, il est temps de regarder la réalité en face et de reconnaître que l’Algérie a besoin d’une véritable démocratie et d’une liberté de parole qui ne soit pas étouffée par la répression.