Les réseaux sociaux au banc des accusés : Meta face à une plainte colossale pour avoir entretenu la violence en Éthiopie
Le 4 avril 2025, la Haute Cour de Nairobi a rendu un verdict historique, déclarant que les tribunaux kényans sont compétents pour poursuivre le géant américain Meta, propriétaire de Facebook, pour son rôle présumé dans l’entretien de la violence en Éthiopie. Deux ressortissants éthiopiens, Abraham Meareg et Fisseha Tekle, ont intenté une action en justice contre Meta, réclamant 2,4 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros) en dommages et intérêts pour les préjudices subis en raison de la propagation de contenus haineux et de désinformation sur la plateforme.
Selon les plaignants, l’algorithme de Facebook a joué un rôle clé dans la promotion de contenus incitant à la violence et à la haine, contribuant ainsi à aggraver les tensions dans le nord de l’Éthiopie, particulièrement pendant la guerre du Tigré. Les deux hommes demandent non seulement des dommages et intérêts, mais également que Meta modifie son algorithme pour éviter de promouvoir de tels contenus à l’avenir. Ils exigent également que l’entreprise embauche davantage de modérateurs en Afrique pour mieux contrôler les contenus publiés sur la plateforme.
Un conflit qui ravive les tensions
La guerre du Tigré a été marquée par des violences extrêmes, y compris des massacres, des viols et des déplacements de population. Les médias sociaux, en particulier Facebook, ont été accusés de jouer un rôle dans la propagation de la haine et de la désinformation, qui ont contribué à aggraver les tensions. Abraham Meareg, l’un des plaignants, a perdu son père, le professeur Meareg Amare Abrha, qui a été assassiné à son domicile après que son adresse et des menaces de mort aient été publiées sur Facebook.
Fisseha Tekle, l’autre plaignant, a reçu des menaces de mort après avoir publié des rapports sur les violences commises pendant le conflit. « Meta ne peut pas réparer les dégâts qu’il a causés, mais il peut radicalement changer la façon dont il modère les contenus dangereux sur toutes ses plateformes pour s’assurer que personne d’autre n’ait à subir ce que j’ai subi », a-t-il déclaré.
Des organisations non lucratives se joignent à la plainte
La plainte est soutenue par des organisations à but non lucratif, telles qu’Amnesty International et Foxglove, qui dénoncent les pratiques de Meta. « Meta est mortel. Son algorithme valorise la violence », accuse Rosa Curling, la directrice exécutive de Foxglove. L’Institut Katiba, une ONG basée au Kenya et spécialiste de la constitution, a également rejoint la liste des plaignants.
Meta au banc des accusés
En 2022, une analyse du Bureau of Investigative Journalism et de The Observer avait révélé que Facebook continuait de laisser ses utilisateurs publier du contenu incitant à la violence et à la désinformation en Éthiopie, malgré les tensions dans le Tigré. Meta avait rejeté ces allégations, affirmant avoir investi dans des mesures de sûreté et de sécurité, ainsi que dans des mesures agressives pour arrêter la propagation de la désinformation. Cependant, en 2023, Mark Zuckerberg a annoncé la suppression des programmes de fact-checking aux États-Unis et dans le monde, accusant de « censure » et de « parti pris » les 80 organisations enrôlées depuis 2016 par son groupe.
Un verdict historique
Le verdict de la Haute Cour de Nairobi est un coup dur pour Meta, qui pensait être au-dessus des lois africaines. « Je suis reconnaissant de la décision du tribunal aujourd’hui. Il est honteux que Meta pense qu’ils ne devraient pas être soumis à l’État de droit au Kenya. Les vies africaines comptent », a déclaré Abrham Meareg. La plainte devra maintenant être examinée dans son intégralité par le tribunal, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes pour Meta et les médias sociaux en général.
En conclusion, cette affaire soulève des questions importantes sur la responsabilité des médias sociaux dans la propagation de la haine et de la désinformation, ainsi que sur leur rôle dans l’entretien de la violence. Le verdict de la Haute Cour de Nairobi est un pas important vers la reconnaissance de la responsabilité de Meta dans les préjudices subis par les plaignants, et pourrait avoir des implications significatives pour l’avenir des médias sociaux en Afrique et dans le monde.