Une histoire de séparation et de douleur : les années perdues de Kyung-ha et Tae-soon
Le 9 mai 1975, une journée qui devait être comme les autres a pris une tournure dramatique pour une famille coréenne. Kyung-ha, une petite fille de six ans, a disparu dans la cour de son immeuble à Séoul, laissant sa mère, Tae-soon, dans un état de panique et de désespoir. Ce jour-là, une femme étrange s’est approchée de Kyung-ha et l’a convaincue de la suivre à la gare pour prendre un train. La petite fille a disparu, laissant derrière elle une mère dévastée qui allait passer les 44 années suivantes à la chercher.
L’histoire de Tae-soon et Kyung-ha est l’une des nombreuses tragédies qui ont eu lieu en Corée du Sud dans les années 1970 et 1980, période au cours de laquelle des milliers d’enfants ont été kidnappés et adoptés illégalement à l’étranger. Selon un rapport publié par la Commission vérité et réconciliation de Corée du Sud, au moins 140 000 enfants ont été exportés illégalement entre 1950 et 1990, souvent avec la complicité de fonctionnaires coréens et d’agences privées.
La recherche de Kyung-ha a été une quête sans fin pour Tae-soon, qui a passé des années à distribuer des tracts, à lancer des appels à la télévision et à arpenter les rues de Séoul pour essayer de retrouver sa fille. Malgré les obstacles et les déceptions, elle n’a jamais abandonné, convaincue que sa fille était toujours en vie quelque part.
En 2019, après des décennies de recherche, Tae-soon a finalement retrouvé Kyung-ha, qui s’appelait désormais Laurie Bender et vivait aux États-Unis. Les retrouvailles ont été émouvantes, avec les deux femmes qui se sont retrouvées à l’aéroport de Séoul, en larmes, après 44 ans de séparation.
Mais la réunion de Tae-soon et Kyung-ha n’est pas seulement une histoire de réconciliation, c’est également une condamnation du système d’adoption illégale qui a détruit la vie de tant de familles coréennes. La Commission vérité et réconciliation de Corée du Sud a dénoncé les enregistrements frauduleux d’orphelins, les falsifications d’identité et le contrôle inadapté des parents adoptifs, qui ont permis à des agences privées de vendre des enfants à des couples occidentaux sans scrupules.
Tae-soon est la première mère à demander des dommages et intérêts au gouvernement sud-coréen pour l’enlèvement de sa fille. "J’ai passé 44 ans à me ruiner corps et esprit", a-t-elle déclaré à la BBC. "Mais pendant tout ce temps, est-ce que quelqu’un s’est jamais excusé auprès de moi ? Personne."
La demande de Tae-soon est non seulement une demande de justice pour elle-même et sa fille, mais également un appel à la reconnaissance de la douleur et de la souffrance des familles coréennes qui ont été victimes du système d’adoption illégale. Les années perdues de Kyung-ha et Tae-soon sont un rappel de la nécessité d’une vérité et d’une réconciliation pour les victimes de ce système, et d’une prise de conscience de la part des autorités coréennes pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent à l’avenir.
Un système d’adoption illégale orchestré par la Corée du Sud
L’histoire de Tae-soon et Kyung-ha n’est pas isolée. Des milliers d’enfants coréens ont été kidnappés et adoptés illégalement à l’étranger, souvent avec la complicité de fonctionnaires coréens et d’agences privées. Selon un rapport de la Commission vérité et réconciliation de Corée du Sud, au moins 140 000 enfants ont été exportés illégalement entre 1950 et 1990.
Le système d’adoption illégale en Corée du Sud a été orchestré par des agences privées qui ont profité de la pauvreté et de la vulnérabilité des familles coréennes. Les enfants ont été enlevés à leurs parents, souvent sous de fausses prétextes, et vendus à des couples occidentaux qui étaient prêts à payer des sommes importantes pour adopter un enfant.
La Corée du Sud a été l’un des principaux pays d’origine pour les adoptions internationales dans les années 1970 et 1980, avec des milliers d’enfants qui ont été adoptés par des familles américaines, canadiennes, françaises et allemandes. Cependant, le système d’adoption en Corée du Sud a été marqué par la corruption, les falsifications d’identité et le contrôle inadapté des parents adoptifs.
Des excuses officielles attendues
La Commission vérité et réconciliation de Corée du Sud a appelé le gouvernement à présenter des excuses officielles pour le système d’adoption illégale qui a détruit la vie de tant de familles coréennes. La demande de Tae-soon pour des dommages et intérêts est un pas dans cette direction, mais il est clair que beaucoup plus doit être fait pour réparer les torts causés par ce système.
Les excuses officielles sont une étape importante pour la guérison et la réconciliation des victimes du système d’adoption illégale. Il est essentiel que le gouvernement sud-coréen reconnaisse les erreurs du passé et prenne des mesures pour empêcher que de telles tragédies ne se reproduisent à l’avenir.
La réunion de Tae-soon et Kyung-ha est un rappel de la puissance de l’amour et de la résilience des familles coréennes. Malgré les années perdues et les souffrances endurées, les deux femmes ont pu se retrouver et reconstruire leur relation. Il est temps pour le gouvernement sud-coréen de suivre leur exemple et de prendre des mesures pour réparer les torts causés par le système d’adoption illégale.