Le procès de Bastien Vivès : un débat houleux sur la liberté d’expression et la compétence territoriale
Le tribunal judiciaire des Hauts-de-Seine s’est réuni ce mardi pour juger le dessinateur Bastien Vivès, accusé de fixation d’images pédopornographiques dans deux de ses ouvrages, "Petit Paul" et "La Décharge Mentale". Les deux maisons d’édition, Glénat et Requins Marteaux, étaient également renvoyées pour diffusion de ces bandes dessinées. Mais le procès a pris une tournure inattendue lorsqu’il a été déclaré incompétent territorialement, renvoyant l’affaire au parquet.
Les débats ont été marqués par des échanges houleux entre les avocats de la défense et ceux des associations de défense des enfants, qui ont été qualifiées de "donneuses de leçon" par Me Richard Malka, l’avocat de Bastien Vivès. Les associations, dont Innocence en Danger, Fondation pour l’Enfance et Face à l’Inceste, avaient déposé plainte contre le dessinateur et ses éditeurs, estimant que ses œuvres contenaient des images pédopornographiques. Mais pour la défense, ces associations ont dépassé les limites en s’en prenant à des artistes plutôt qu’à de vrais prédateurs.
Me Malka a vivement critiqué les associations, les accusant de vouloir "museler les artistes" et de prétendre "détenir le monopole de la souffrance des enfants du monde". Il a également pointé du doigt les accointances que certaines associations entretiennent avec l’extrême droite. Les avocats des associations ont répliqué, estimant que la défense cherchait à "stigmatiser" et à "museler les parties civiles".
Mais au-delà de ces échanges houleux, le procès a également soulevé des questions fondamentales sur la liberté d’expression et la responsabilité des artistes. Me Malka a souligné que l’art doit être libre de explorer les tabous et les aspects les plus sombres de la condition humaine, sans craindre la censure ou les poursuites judiciaires. "On vous demande d’ouvrir les portes de l’enfer pour tous les artistes de ce pays", a-t-il déclaré, en mettant en garde contre les dangers de la censure et de la autocensure.
Le débat a également porté sur la compétence territoriale du tribunal de Nanterre pour juger l’affaire. Les avocats de la défense ont estimé que le tribunal n’était pas compétent, dans la mesure où les faits poursuivis ont été commis à Paris et que les maisons d’édition ont leurs sièges sociaux à Grenoble et Bordeaux. La présidente du tribunal, Céline Ballerini, a finalement déclaré le tribunal incompétent et renvoyé l’affaire au parquet, après deux ans et demi de procédure.
Cette décision a laissé perplexes les avocats des associations, qui se demandent pourquoi cette question n’a pas été posée plus tôt. "C’est un charabia judiciaire compliqué à comprendre pour le profane", a reconnu la présidente du tribunal. Mais pour Me Malka, cette décision est un "premier pas vers la victoire" pour la liberté d’expression et la défense des artistes contre les poursuites judiciaires infondées.
L’affaire de Bastien Vivès a ainsi pris un nouveau tournant, avec des implications qui dépassent largement le cas individuel du dessinateur. Elle soulève des questions fondamentales sur la liberté d’expression, la responsabilité des artistes et la compétence des tribunaux pour juger les affaires liées à la création artistique. Le procès a également mis en lumière les tensions entre les défenseurs de la liberté d’expression et les associations de défense des enfants, qui estiment que les artistes ont une responsabilité particulière envers les mineurs.
Alors que l’affaire est renvoyée au parquet, les avocats des associations ont déjà annoncé qu’ils allaient faire appel de la décision. Les débats sont loin d’être clos, et l’affaire de Bastien Vivès continuera de faire couler beaucoup d’encre et de susciter des passions. Mais une chose est certaine : ce procès a déjà contribué à alimenter un débat essentiel sur la liberté d’expression et la créativité artistique, et il est peu probable que les choses retombent dans l’oubli dans les prochaines semaines et les prochains mois.