La polémique autour des établissements « adult only » divise la France, avec la haute-commissaire à l’Enfance, Sarah El Haïry, qui souhaite limiter ces offres considérées comme contraires à une société inclusive. Mais est-il vraiment possible pour l’État d’encadrer ce choix privé ? Une question qui a animé la table ronde organisée le 27 mai à Paris, réunissant les principaux acteurs du tourisme.
Pour Sarah El Haïry, la tendance « no kid » est une « violence symbolique faite aux enfants » et une manière de considérer les plus jeunes comme des « nuisances à éviter ». Elle a saisi ses services juridiques pour étudier d’éventuelles restrictions et a réaffirmé sa position dans Le Parisien, qualifiant cette tendance de « violence faite aux enfants » et appelant à penser une société « à hauteur d’enfant ». Mais les professionnels du tourisme sont perplexes face à cette volonté de limiter les offres « adult only », estimant que cela pourrait nuire à la diversité de l’offre touristique et restreindre la liberté de choix des consommateurs.
Les établissements « adult only » existent depuis les années 1970 dans les Caraïbes ou aux États-Unis, et ont fait leur apparition en Europe il y a une dizaine d’années, notamment en Espagne. En France, ils restent marginaux, avec à peine une dizaine d’adresses sur 17 000 établissements touristiques. Mais la demande est bien réelle, et de nombreux parents recherchent des séjours sans enfants pour se reposer et se ressourcer. La pandémie a renforcé ce besoin de calme et d’espace, et les professionnels du tourisme estiment que les offres « adult only » sont une stratégie commerciale qui permet de répondre à un besoin et de se différencier dans un marché concurrentiel.
La question de fond est délicate : un hôtel ou un restaurant a-t-il légalement le droit de refuser les enfants ? En l’état actuel, l’enfance ne constitue pas une catégorie explicitement protégée par le droit du commerce ou du tourisme, comme peuvent l’être le sexe, l’origine ou le handicap. Mais l’article 225-1 du Code pénal interdit déjà « toute distinction fondée sur l’âge ou la situation de famille », avec des sanctions pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. C’est précisément cette ambiguïté que veut lever Sarah El Haïry, qui affirme étudier la possibilité de poursuites contre certains établissements.
Mais les professionnels du tourisme estiment que cela pourrait conduire à une norme à sens unique, où tous les établissements seraient obligés d’accueillir tous les publics, même si cela dénature leur promesse d’expérience. L’hospitalité a-t-elle encore droit à la nuance ? Faut-il vraiment obliger tous les lieux à accueillir tous les publics, même si cela nier les aspirations individuelles à la quiétude, au silence ou à l’intimité ? Le repos sans enfant n’est pas un rejet, semble penser la majorité des professionnels : c’est une autre forme de vacances. Y compris pour ceux qui n’en ont pas. Et la liberté de choisir son cadre, elle aussi, mérite d’être protégée.
En Espagne, au Royaume-Uni, en Allemagne ou au Canada, les hôtels « adult only » coexistent sans heurts avec l’offre familiale depuis des décennies. En France, en 2025, la question devient politique. Faut-il vraiment moraliser l’offre touristique et nier les aspirations individuelles à la quiétude et à l’intimité ? La réponse à cette question est loin d’être évidente, et il est probable que le débat autour des établissements « adult only » continuera de faire rage dans les mois à venir.
Il est intéressant de noter que certains pays, comme les États-Unis, ont une approche plus libérale en matière d’établissements « adult only ». Les hôtels et les resorts qui choisissent de ne pas accueillir les enfants ne sont pas considérés comme discriminatoires, mais plutôt comme des établissements qui offrent une expérience spécifique aux adultes. Cette approche pourrait être une source d’inspiration pour la France, qui cherche à trouver un équilibre entre la protection des droits des enfants et la liberté de choix des consommateurs.
En fin de compte, la question des établissements « adult only » est complexe et multifacette. Il est important de prendre en compte les points de vue des différents acteurs concernés, y compris les parents, les enfants, les professionnels du tourisme et les défenseurs des droits de l’enfant. Il est également important de considérer les implications juridiques et économiques d’une éventuelle réglementation de ces établissements. En attendant, il est probable que le débat autour des établissements « adult only » continuera de faire rage, avec des arguments passionnés des deux côtés. Mais il est important de garder à l’esprit que la liberté de choix et la diversité de l’offre touristique sont des éléments essentiels d’une économie touristique saine et prospère.