ANALYSE – Les autorités sanitaires ont recommandé aux personnes fragiles de se faire vacciner contre la grippe et le Covid en même temps, un dans chaque bras.
La campagne de double vaccination contre la grippe et le Covid a débuté le 15 octobre. Pour la deuxième année consécutive, plus de 17 millions de personnes considérées comme vulnérables sont invitées par l’Assurance maladie à se faire vacciner contre ces deux virus simultanément. L’objectif de cette double vaccination est d’augmenter le taux de vaccination de cette population à risque, souvent âgée, qui n’aura pas à se déplacer deux fois. « Comme l’a démontré une étude anglaise, cette vaccination simultanée ne diminue pas la réponse immunitaire de l’un ou l’autre vaccin par rapport à une injection séparée à 3 semaines d’intervalle », explique le professeur Mathieu Molimard, représentant de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT).
Cependant, se faire vacciner simultanément avec deux vaccins n’est-il pas susceptible de diminuer leur efficacité ou d’exposer à davantage d’effets indésirables ? « La dernière fois que je me suis fait vacciner contre le Covid, j’ai eu de la fièvre et j’ai été patraque tout le week-end. J’ai un peu peur que ce soit pire si je me vaccine aussi contre la grippe en même temps », confie Colette, une octogénaire dynamique. Il est assez courant de réagir à un vaccin. Certaines personnes vaccinées vont développer une légère réaction locale au point d’injection, qui se dissipera en quelques heures à deux jours, ou présenter des symptômes généraux mineurs tels que de la fièvre ou des douleurs musculaires.
Pourquoi ces réactions ? Lorsqu’un vaccin est administré, le produit injecté imite un agent infectieux et le système immunitaire le reconnaît comme tel. « Un ensemble de cellules immunitaires est alors activé. Les cellules présentant l’antigène vont notamment chercher cet élément considéré comme un intrus pour le présenter aux lymphocytes T dans les ganglions lymphatiques, déclenchant ainsi le processus de production d’une immunité spécifique via les anticorps. Mais ces cellules ne se contentent pas de présenter l’antigène, elles déclenchent également un processus inflammatoire pour stimuler la réponse des lymphocytes. C’est cette inflammation qui peut entraîner des rougeurs, un peu de fièvre, etc. », explique le Dr Daniel Olive, président de la Société française d’immunologie. Avec un vaccin, cette stimulation immunitaire se produit au moment de l’injection et se termine assez rapidement, « Alors qu’en cas d’infection virale ou bactérienne, elle persistera jusqu’à ce que le système immunitaire ait maîtrisé l’infection », précise le Dr Bruno Lina, chef du service de virologie à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon.
La « réactogénicité », comme l’appellent les médecins, des vaccins contre la grippe et le Covid varie beaucoup d’une personne à l’autre et il est difficile de la prédire. « En revanche, le risque de réaction, sa fréquence et son intensité ne sont pas multipliés par deux », rassure Bruno Lina.
Les experts ne sont pas non plus inquiets quant à l’attribution d’effets indésirables graves mais beaucoup plus rares à l’un ou l’autre des vaccins. « Les vaccins contre la grippe et le Covid ont été administrés séparément à des milliards de personnes. Nous connaissons bien les effets indésirables de chacun d’eux », souligne Mathieu Molimard.
Dans le doute
L’administration simultanée de ces deux vaccins semble donc sûre. La seule question qui reste en suspens est celle de savoir s’il est pertinent de se vacciner contre deux infections dont les pics ne correspondent pas. En effet, les épidémies de grippe débutent généralement en décembre ou janvier et se faire vacciner à la mi-octobre est un peu prématuré. En parallèle, les pics épidémiques de Covid s’étalent tout au long de l’année, même si le pic hivernal est bien présent. « On peut comprendre le côté pragmatique de ces deux vaccinations simultanées. Cette année, par exemple, nous avons connu une épidémie de Covid dès septembre. Cela peut entraîner une certaine confusion de la part du public, mais aussi des médecins, sur qui vacciner ou non », commente Bruno Lina.
Lorsqu’une personne a eu le Covid, il est déconseillé de se faire vacciner dans les quatre mois qui suivent (trois mois pour les personnes immunodéprimées). Il est donc logique qu’une personne infectée en septembre attende janvier pour se faire vacciner. Cependant, de moins en moins de personnes se font tester. Que faire en cas de doute ? « Il n’y a aucun danger à se faire vacciner peu de temps après une infection. En revanche, la réponse immunitaire ne sera pas celle attendue. Il n’y aura pas d’augmentation du taux d’anticorps. Notre système immunitaire n’a pas de cerveau, il ne sait pas que c’est une vaccination qu’on lui propose. Il voit apparaître l’agent infectieux qu’il connaît et, comme il a suffisamment d’anticorps et de cellules immunitaires disponibles, il va neutraliser le vaccin », affirme Bruno Lina.
En revanche, insiste le spécialiste, la vaccination contre la grippe doit être effectuée chez les personnes fragiles avant la prochaine épidémie. Pour persuader les plus réticents, il rappelle que les dernières études ont montré que la vaccination contre la grippe réduisait de 25 à 30 % le risque d’accidents cardiovasculaires chez les personnes à risque. « Il est aussi important de se faire vacciner que d’arrêter de fumer ou de réduire son taux de cholestérol », conclut le virologue.