L’Algérie, nation aux multiples facettes, ne cesse de s’affirmer sur la scène internationale, surtout à l’occasion d’événements marquant son histoire. En cette année, le pays célèbre le 70ᵉ anniversaire du déclenchement de la Guerre de Libération. Pour marquer cette occasion, un grand défilé militaire a été organisé à Alger, sur l’avenue de l’Armée de Libération Nationale, à proximité de la Grande Mosquée. Ce défilé, orchestré avec minutie, n’est pas seulement une démonstration de force, mais aussi, selon le ministre des « Moudjahidines », Laïd Rebiga, un « message de paix » envoyé au monde. Cependant, cette paix se manifeste de manière singulière, arborant treillis et chars.
Les semaines précédents la parade ont été marquées par une paralysie d’une grande partie de la capitale. La rocade nord a été fermée pendant plusieurs jours, asphyxiant la circulation et frustrant les automobilistes d’Alger, qui ont dû braver des embouteillages des plus insupportables. Les routes, stratégiquement bloquées, indiquaient à la population et aux observateurs étrangers la capacité du pays à contrôler non seulement ses infrastructures, mais également à affirmer son positionnement diplomatique. Tout a été mis en œuvre pour sécuriser cet événement colossal, allant de la gestion des accès à la sécurisation des lieux. Ce déploiement immense a laissé penser que la paix se forge aussi par la démonstration de puissance militaire.
Alors que l’Algérie s’engage dans des célébrations grandioses, une question essentielle émerge parmi les citoyens : que reste-t-il des idéaux de la Révolution du 1ᵉʳ novembre 1954 ? La lutte ardente pour la liberté, qui avait promis justice et prospérité, semble aujourd’hui trahie par des décennies de gouvernance opaque, où l’autoritarisme et le détournement des ressources ont pris le pas sur l’héritage révolutionnaire. À l’heure des commémorations, la flamme révolutionnaire semble s’éteindre au profit d’une élite qui se bat pour maintenir ses privilèges.
Depuis l’indépendance, les promesses d’un avenir radieux pour le peuple algérien se sont souvent transformées en désillusions. Les idéaux de liberté se voient écrasés sous le poids d’une administration qui refuse de céder les rênes du pouvoir, générant une atmosphère pesante pour la société. La dérive des idéaux révolutionnaires a permis l’émergence d’un système bureaucratique où une minorité a su s’accaparer les richesses naturelles, laissant la majorité souffrir. Les ressources du pays, conçues pour être un bien commun, ont été manipulées par une élite qui se complaît dans ses privilèges, tout en régnant sur une nation en quête de dignité.
À l’aube de l’année 2024, le modèle de gouvernance algérien, qui s’appuie sur la légitimité historique de la lutte anticoloniale, chancelle. Les inégalités frappent brutalement une population qui exige plus que de simples commémorations superficielles. Le 1ᵉʳ novembre, jour symbole de la lutte pour la liberté, se transforme jour après jour en un souvenir amer, illustrant une indépendance qui a perdu son sens.
La montée du Hirak, ce mouvement populaire fervent, témoigne d’un besoin collectif de rétablir une connexion avec les valeurs fondatrices de 1954. Les millions de voix qui se sont levées ont rappelé que l’avenir de l’Algérie ne devait pas se construire sur le seul souvenir, mais sur des actions concrètes et sur une réel respect des aspirations du peuple.
L’Algérie se trouve aujourd’hui à un tournant. Choisira-t-elle d’honorer l’esprit du 1ᵉʳ novembre en restituant la parole aux citoyens, ou persistera-t-elle dans un modèle qui risque de trahir définitivement les idéaux qui ont présidé à la naissance de la nation ? À mesure que l’histoire avance, il apparaît crucial de reconnaître la déviation des idéaux révolutionnaires, égarés entre les murs du pouvoir et les comptes de l’élite.
À partir de demain, le 1ᵉʳ novembre pourrait n’être plus qu’une commémoration formelle, une façade destinée à dissimuler la réalité d’une Révolution qui, malgré son éclat initial, pourrait se révéler l’une des plus grandes trahisons vis-à-vis du peuple algérien.