Le président français Emmanuel Macron a récemment reconnu la responsabilité de la France dans l’assassinat de Larbi Ben M’hidi, un éminent chef historique du Front de Libération Nationale (FLN) en 1957. Cette déclaration, faite à l’occasion du 70e anniversaire de la guerre d’indépendance algérienne, était censée constituer un pas envers la réconciliation mémorielle entre Paris et Alger. Cependant, elle suscite un flot de critiques et d’interrogations sur ses véritables motivations et ses implications.
Le 1er novembre, Macron a affirmé que Ben M’hidi avait été « assassiné par des militaires français sous le commandement du général Aussaresses », participant ainsi à ce qu’il présente comme un besoin urgent de vérité historique. Toutefois, beaucoup en Algérie y voient un geste opportuniste, visant davantage à apaiser des tensions croissantes suite à la récente proximité de la France avec le Maroc concernant le dossier sensible du Sahara occidental. Alors que la France semble se ranger du côté marocain dans ce conflit, la reconnaissance de la mort de Ben M’hidi est perçue comme un moyen de redresser des relations déjà tendues.
Les critiques évoquent un « cynisme » dans cette démarche, la considérant comme une manœuvre pour mieux gérer la colère algérienne face à une position française jugée pro-marocaine. L’historien Hosni Kitouni ne mâche pas ses mots : il affirme que cette déclaration n’est qu’un geste isolé, un simple vernis qui camoufle une abdication sur le droit des Sahraouis à l’autodétermination. Pour lui, la reconnaissance ne vaut rien sans réparations concrètes, soulevant la question de l’efficacité de tels gestes face aux douleurs que le colonialisme a infligées.
Le contexte historique de l’assassinat de Ben M’hidi est complexe et chargé. Arrêté lors de la Bataille d’Alger en 1957, ce leader modéré du FLN a été officiellement déclaré mort par suicide peu de temps après sa capture. Ce n’est qu’en 2001 qu’éclate la vérité, quand Aussaresses admet avoir orchestré son exécution. Benjamin Stora, historien réputé, souligne l’ironie tragique de cette situation : la France affirme vouloir maintenir l’Algérie française tout en éliminant secrètement ceux qui auraient pu négocier la paix.
Les appels à une reconnaissance plus franche des crimes coloniaux continuent de résonner en Algérie. Nombre d’analystes, y compris le journaliste Otman Lahiani, relèvent que les gestes sporadiques de Macron ne suffisent pas à apaiser les inquiétudes des Algériens. Ils exigent une condamnation franche et complète des abus passés au lieu d’actes ponctuels, qui ne font qu’alimenter un mécontentement déjà largement établi.
Le climat actuel des relations franco-algériennes est également embrouillé par le soutien inattendu de Macron à la position marocaine sur le Sahara occidental. Ce changement de cap est perçu comme une trahison par l’Algérie, qui soutient le droit du peuple sahraoui à se déterminer. Pour beaucoup, ces actions s’inscrivent dans un tableau plus vaste de manipulation politique au détriment d’une histoire commune déjà tumultueuse.
Si Macron cherche réellement à rétablir des relations apaisées avec l’Algérie, une reconnaissance exhaustive des crimes coloniaux et une responsabilité claire de l’État semblent inévitables. À défaut, les tentatives de réconciliation risquent d’être interprétées comme de la manipulation politique, renforçant la suspicion et la défiance des Algériens envers la France.
En résumé, la proposition de Macron, loin d’aplanir les divergences mémorielles, pourrait susciter une recrudescence des ressentiments. Les Algériens attendent un engagement authentique de la part de la France, loin des enjeux diplomatiques. L’assassinat de Ben M’hidi, figure phare d’un mouvement pour la liberté, reste un symbole poignant de la période trouble que les deux nations tentent de surmonter, mais qui semble encore bien loin d’une résolution réelle.