La récente déclaration d’Emmanuel Macron concernant l’assassinat de Larbi Ben M’hidi, un héros national algérien, par « des militaires français » a provoqué des réactions passionnées, tant en France qu’en Algérie. Ce geste, perçu par certains comme une étape vers la réconciliation, est jugé par d’autres comme insuffisant sans une initiative plus large.
Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la Grande mosquée de Paris, a exprimé, dans un article publié sur le site de l’institution, que cette reconnaissance « a de nouveau soulevé l’espoir d’une ouverture historique ». Toutefois, il a souligné que sans une démarche officielle plus globale, cette déclaration ne saurait suffire à réduire le fossé qui perdure entre les deux nations.
En Algérie, plusieurs voix critiques se sont élevées contre cette reconnaissance, qualifiée de symbole d’une mémoire encore incomplète. Le recteur, dans ses propos, a souligné que la réconciliation mémorielle entre la France et l’Algérie semble marquée par des « occasions manquées », des promesses restées lettres mortes et des dialogues interrompus. Hafiz examine ainsi plus de six décennies de relations tumultueuses, remplis de tentatives de rapprochement qui n’ont souvent pas été suivies d’effets tangibles.
Depuis la visite marquante de Valéry Giscard d’Estaing en Algérie en 1975, qui fut la première d’un président français après l’indépendance, les initiatives pour parvenir à une réconciliation ont été multiples. Toutefois, selon Hafiz, aucune n’a réussi à établir la profondeur émotionnelle nécessaire pour surmonter les ressentiments historiques. Il rappelle que des moments clés font partie de ce passé complexe, comme le projet de traité d’amitié entre Abdelaziz Bouteflika et Jacques Chirac dans les années 2000, qui a échoué, ou encore les déclarations de Nicolas Sarkozy en 2007 sur les souffrances du peuple algérien, suivies par celles de François Hollande en 2012.
Le recteur évoque également les années sombres des années 1990, lorsque l’Algérie a été frappée par une guerre civile dévastatrice. Selon lui, la France, alors, a échoué à exprimer une solidarité réelle, laissant des cicatrices sur le ressenti collectif algérien. En dépit de la reconnaissance par Emmanuel Macron, qui a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » et a commandé un rapport préconisant une série d’actions, les mesures concrètes semblent encore faire défaut, alimentant ainsi une frustration croissante chez ceux qui espèrent un véritable changement.
Pour Hafiz, cette situation est exacerbée par un contexte politique français tourné vers des débats identitaires et des tensions internes qui compliquent la réconciliation. Il pointe du doigt les débats contemporains sur l’immigration et l’identité qui rendent difficile une conversation sereine sur le passé colonial. De plus, il déplore une opinion médiatique souvent hostile et des forces politiques réfractaires à examiner les zones d’ombre de l’Histoire.
Les binationaux, selon Hafiz, sont les premières victimes de cette incapacité à réconcilier le passé. Héritiers d’une histoire complexe, ils se retrouvent pris en otage par une mémoire non assumée, transformant ce qui devrait être une richesse en un fardeau.
Enfin, Chems-Eddine Hafiz, qui a récemment rencontré le président algérien Abdelmadjid Tebboune, conclut avec un appel à un travail mémoriel authentique. La réconciliation, estime-t-il, nécessite un « courage politique » et dépasse des gestes symboliques, exigeant une approche sincère et complète. Le chemin vers une véritable paix et compréhension entre la France et l’Algérie se trouve dans la volonté d’explorer ce passé commun, d’affronter son héritage douloureux et de construire un avenir partagé.