Utilisé pour traiter l’excès de pilosité et certaines formes d’endométriose, l’Androcur est un médicament qui augmente le risque de développer des tumeurs au cerveau lorsqu’il est pris à fortes doses sur une longue période. Bien que le plus souvent bénignes, ces tumeurs peuvent entraîner de graves handicaps neurologiques.
L’association Amavea, regroupant des victimes de l’Androcur, a déposé une plainte pénale à Paris contre X afin de dénoncer la « défaillance » des acteurs responsables de la sécurité de ce médicament, ont annoncé jeudi à l’AFP l’avocat et la présidente de l’association.
« Il est désormais évident que les acteurs en charge de la sécurité de l’Androcur – l’Agence de santé, les laboratoires, les médecins – ont manqué à leur devoir dans la gestion des effets secondaires de ce médicament », ont écrit Me Charles Joseph-Oudin et Emmanuelle Mignaton, présidente de l’Amavea, dans un communiqué révélé par Le Monde jeudi matin.
« L’Amavea, représentant des milliers de victimes, souhaite qu’une enquête soit ouverte pour déterminer les négligences commises et établir la responsabilité des acteurs impliqués », ont-ils ajouté, réclamant la désignation d’un juge d’instruction. Selon la plainte, « à partir de 1998, des cas de méningiomes ont régulièrement été signalés aux laboratoires commercialisant l’Androcur ».
Normalement prescrit pour traiter l’excès de pilosité, mais souvent utilisé par de nombreux médecins au-delà de ses indications initiales – par exemple contre l’endométriose -, le lien entre le médicament Androcur (acétate de cyprotérone) et les méningiomes a été clairement établi en 2018.
Les méningiomes sont des tumeurs qui affectent les membranes entourant le cerveau. Bien que souvent qualifiées de « bénignes » car elles ne se transforment pas en cancers mortels, elles peuvent entraîner des handicaps neurologiques graves.
En 2019, un plan de gestion des risques a été mis en place. Cependant, selon Me Joseph-Oudin et Mme Mignaton, « ce risque supplémentaire, identifié par le laboratoire dès 2004, a été reconnu ensuite par la firme et l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) en 2008/2009. Pourtant, aucune information n’a été transmise aux professionnels de santé prescripteurs ni aux patientes avant 2019 ». C’est seulement cette année-là que « l’Autorité de santé et le Laboratoire ont mis en place un plan de gestion des risques incluant, entre autres, la diffusion d’une information ciblée aux patientes sous Androcur », ont-ils critiqué.
La plainte pénale, déposée mardi et dont l’AFP a eu connaissance, vise plusieurs infractions, notamment l’administration de substance nuisible, l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne, la mise en danger d’autrui, le non-signalement d’effets indésirables et la tromperie aggravée.
L’ANSM n’a pas souhaité réagir « dans ce contexte ». Depuis le printemps, le gendarme du médicament est la cible de requêtes enregistrées au tribunal administratif de Montreuil, en banlieue parisienne. Cette action en justice menée par des patientes françaises atteintes de tumeurs cérébrales suite à la prise du progestatif Androcur vise à engager la responsabilité de l’État.
Selon l’ANSM, les prescriptions d’Androcur ont chuté de près de 90% entre janvier 2018 et décembre 2023. À la fin de novembre 2023, moins de 10 000 patientes étaient traitées par Androcur contre environ 90 000 à la fin de 2017.