Malgré une très faible affluence pour une rencontre des Bleus au Stade de France, les autorités déploieront un dispositif hors norme ce jeudi soir.
«Ce sera un match à haut risque» : Laurent Nuñez ne fait pas mystère des menaces qui planent sur la rencontre de football opposant la France à Israël, jeudi soir au Stade de France (coup d’envoi 20h45). Évoquant «un dispositif extrêmement renforcé», «très inhabituel» pour un match international, le préfet de police de Paris a annoncé le déploiement de 4000 policiers et gendarmes. Dans le détail, quelque 2500 membres des forces de l’ordre devraient être mobilisés autour de l’enceinte sportive, avec l’appui d’une dizaine de sections issues des compagnies d’intervention et de 70 membres des brigades motorisées spécialisées dans la répression de l’action violente (BRAV-M), prêtes à intervenir pour déloger d’éventuels perturbateurs venus semer la pagaille. Des policiers d’élite du Raid seront quant à eux déployés dans le stade, des unités en tenue patrouilleront dans les coursives tandis que des effectifs en civil veilleront en toute discrétion.
Autrement dit, l’ensemble du périmètre va être saturé de «bleu», comme lors des JO de Paris. Pour éviter un épisode violent en amont de la rencontre, des patrouilles, renforcées par 200 gendarmes d’Île-de-France, vont sécuriser les lignes B et D du RER qui drainent les spectateurs et accompagner les supporteurs israéliens jusque dans les rames. «Nous avons beaucoup mobilisé de forces de l’ordre, toutes les ressources de notre droit pour faire des contrôles, des fouilles, des palpations, et comparer le nom des billets avec les cartes d’identité», a confié mardi soir sur TF1 le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, insistant sur le «caractère exceptionnel» d’un dispositif déployé sur fond de flambée des actes antisémites à travers le pays.
Les attaques antisémites ont quadruplé
Selon les dernières statistiques de Beauvau, les attaques visant des juifs ou leurs biens ont quadruplé depuis l’attaque des terroristes du Hamas, le 7 octobre 2023. Le secrétaire d’État à la Citoyenneté Othman Nasrou a précisé qu’au premier semestre 2024, ces agressions ont concerné «632 villes et 95 départements». Et «les mis en cause sont de plus en plus jeunes», puisque «42% ont moins de 35 ans». Le ministre de l’Intérieur a livré ce dernier chiffre, éloquent : les juifs, qui représentent moins de 1% de la population, concentrent à eux seuls 57% des agressions racistes. Interrogé sur une annulation ou un report de l’événement, le premier flic de France s’est montré catégorique : «Pas question de reculer. La France, qui est un grand pays, et la République refusent de se soumettre.»
Face à la vague qui monte, la Fédération française de football a prévu de mobiliser près de 1600 agents de sécurité au Stade de France. Soit un dispositif supérieur aux 1200 à 1300 vigiles présents pour les matchs à guichets fermés. À la veille du coup d’envoi, moins de 20.000 billets avaient été vendus. On se dirige vers la pire affluence jamais enregistrée pour un match de l’équipe de France dans l’enceinte dyonisienne, qui compte 78.000 places, hors période de Covid. Les sept premiers rangs resteront vides pour éviter toute intrusion. Autant dire que l’ambiance s’y annonce plombée. Les commerces et les bars aux alentours seront fermés par arrêté.
Une semaine après les scènes de lynchages antisémites d’Amsterdam, les autorités israéliennes ont tiré le signal d’alarme. Le Conseil de sécurité nationale, qui dépend du bureau du premier ministre Benyamin Netanyahou, «recommande aux Israéliens à l’étranger (…) d’éviter totalement de se rendre à des rencontres sportives et événements culturels auxquels participent des Israéliens, surtout au prochain match de l’équipe d’Israël à Paris». Entre 100 et 150 supporteurs israéliens sont attendus jeudi soir dans les gradins. Tous feront l’objet d’une attention de chaque instant tandis que le Raid assure la protection rapprochée de l’équipe venue de Terre sainte. La délégation s’est installée dans le secteur de Roissy avant de convier quelques médias à une séance d’entraînement mardi à Saint-Gratien, au Stade Michel-Hidalgo.
Climat inflammable
La tension est montée d’un cran depuis le 6 novembre et le déploiement d’une banderole en soutien à la Palestine au Parc des Princes lors du match de Ligue des champions PSG-Atlético de Madrid. Couvrant la tribune Auteuil, l’immense toile supportait la mention «Free Palestine» avec un drapeau palestinien ensanglanté, celui du Liban, une vue de Jérusalem, des chars ou encore un militant en keffieh. Dans ce climat inflammable, le gala «Israël is Forever», organisé ce mercredi à Paris, a été présenté par ses organisateurs comme «la mobilisation des forces francophones sionistes au service de la puissance et de l’histoire d’Israël».
Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, n’a pas interdit cet événement qui, selon les informations portées à sa connaissance, ne présente pas de risques de troubles à l’ordre public «importants». Mais la vigilance sera à son maximum. En réaction à ce gala, plusieurs associations ont appelé à une mobilisation. À l’initiative de partis politiques (LFI, EELV, NPA) et d’associations, entre 4000 et 8000 personnes étaient attendues entre la gare Saint-Lazare et la place de la République à Paris. S’il n’y a pas de «menace particulière», le «risque zéro n’existe pas», a souligné l’hôte de la place Beauvau, qui prévient que les services de l’État exerceront en parallèle «une surveillance toute particulière dans des quartiers, sur des lieux fréquentés par nos compatriotes de confession juive».
Parmi un public qui ne pourra brandir que des drapeaux français et israéliens, le président de la République Emmanuel Macron, ses deux prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande, le premier ministre Michel Barnier ou encore le président du Sénat Gérard Larcher assisteront à la rencontre pour manifester en bloc leur rejet des messages de haine. Tous savent que le moindre accroc risque d’écorner l’image de la France. Et qu’un attentat aurait une répercussion planétaire.