Les relations entre la France et l’Algérie demeurent un sujet sensible tant pour les deux nations que pour leurs populations, étant marquées par des blessures profondes héritées d’un passé colonial tumultueux. Les séquelles de la guerre d’Algérie, notamment la question des harkis, les essais nucléaires français dans le Sahara, ainsi que la douleur causée par les disparitions survenues durant le conflit pour l’indépendance, ont forgé une dynamique complexe qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Alors que des tensions historiques resurgissent, de nouveaux enjeux viennent s’ajouter à un tableau déjà chargé, dans un contexte géopolitique instable.
L’un des derniers développements marquants réside dans la décision du gouvernement français, annoncée le 31 juillet 2024, de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Ce choix, pris par Emmanuel Macron, a suscité une réaction immédiate d’Alger, provoquant le retrait de l’ambassadeur algérien de France, un geste qui illustre la gravité des relations. En parallèle, le discours prononcé par Macron au Parlement marocain a été perçu comme une provocation à Alger, renforçant une impression d’abandon dans la relation bilatérale. Bien que la France ait tenté d’apaiser les tensions par des gestes mémoriaux, tels que la reconnaissance de l’assassinat de Larbi Ben M’hidi, ces efforts n’ont pas su désamorcer la colère persistante des autorités algériennes.
La scène culturelle, traditionnellement perçue comme un pont entre les deux pays, est désormais devenue un nouveau champ de bataille. Les affaires entourant les écrivains Kamel Daoud et Boualem Sansal en sont des illustrations frappantes. La remise du prix Goncourt à Kamel Daoud pour son roman « Houris » a provoqué une onde de choc en Algérie, où des plaintes ont été déposées à son encontre, accusé d’avoir exploité l’expérience d’une victime du terrorisme sans son consentement. D’autre part, l’arrestation de Boualem Sansal à son retour en Algérie, à la suite de ses propos sur le lien historique entre l’ouest algérien et le Maroc, a également enflammé le débat, suscitant des réactions vives, notamment en France où des voix politiques se sont insurgées contre cette situation. Ces incidents illustre la manière dont la culture, au lieu de servir d’outil de rapprochement, est exploitée pour alimenter des tensions politiques.
Ce climat de discorde est ancré dans des enjeux mémoriels qui demeurent au centre des discussions entre la France et l’Algérie. Les tentatives de rapprochement, telles que la visite d’Emmanuel Macron à Alger en août 2022, n’ont pas suffi à effacer les souvenirs douloureux du passé. Les accords de 1968, la gestion des flux migratoires et les relations commerciales, qui pourraient potentiellement jouer en faveur d’un renforcement des liens, sont devenus des sujets de contentieux. Des discours politiques, en particulier ceux provenant de l’extrême droite française, appellent à une rupture des relations franco-algériennes, traduisant ainsi une montée des tensions en dépit des intérêts interconnectés que partagent les deux nations.
La relation bilatérale entre la France et l’Algérie est donc caractérisée par une dynamique contradictoire où les griefs historiques réapparaissent régulièrement, chacune des crises semblant plus difficile à gérer que la précédente. Alors que les gouvernements de part et d’autre continuent d’affirmer leur position, il est à craindre que le manque de dialogue sincère ne fige davantage les rivalités. Les défis à surmonter, hérités d’un passé colonial chargé, s’accentuent à mesure que les intérêts géopolitiques évoluent. La complexité de cette relation nécessiterait des efforts concertés pour établir une confiance mutuelle, mais les récentes escalades risquent d’entraver tout progrès vers une véritable réconciliation.