ANALYSE – Depuis que le président français a pris le parti du Maroc dans le dossier du Sahara occidental, la relation avec Alger s’est à nouveau dégradée.
Pour chaque président français, la relation triangulaire avec l’Algérie et le Maroc est un équilibre instable qu’il faut manier avec une grande précaution et des attentes modérées. L’année 2024 restera-t-elle dans les annales comme celle où cet équilibre si difficile à maintenir a été rompu ? L’arrestation de Boualem Sansal est à la fois une attaque contre la France, l’ancienne puissance coloniale honnie, contre Emmanuel Macron, qui a naturalisé en personne l’écrivain cette année et contre les valeurs de la démocratie.
Elle est une nouvelle étape dans le lien conflictuel entre Paris et Alger, qui atteint pour la première fois aussi directement la sphère culturelle. À Alger, la colère du pouvoir est également dirigée contre Kamel Daoud, lui aussi naturalisé français et fervent critique, comme Boualem Sansal, de l’islamisme. Alors que deux plaintes ont récemment été déposées en Algérie contre lui, son prix Goncourt est interprété comme un choix politique.
Cette affaire révèle les tensions latentes entre la France et l’Algérie, deux pays dont l’histoire commune est marquée par la colonisation. L’intervention du président français en faveur du Maroc dans le dossier du Sahara occidental a ravivé des rancœurs anciennes et semble avoir rompu un équilibre fragile. Les réactions en Algérie montrent un rejet de la France et de ses valeurs, perçues comme imposées et intrusives.
La question de l’identité et de la culture se retrouve au cœur de ces tensions. Les intellectuels algériens naturalisés français sont perçus comme des traîtres par le pouvoir en place, qui voit en eux des agents de l’influence française. L’arrestation de Boualem Sansal et les attaques contre Kamel Daoud illustrent cette méfiance envers ceux qui ont choisi de s’exprimer librement, en dehors des limites imposées par le régime.
La France, de son côté, se retrouve dans une position délicate. D’un côté, elle doit défendre ses valeurs démocratiques et protéger ses ressortissants, de l’autre, elle doit trouver un terrain d’entente avec l’Algérie pour éviter une escalade des tensions. Emmanuel Macron doit jongler entre ces deux impératifs, tout en essayant de préserver une relation diplomatique complexe et souvent conflictuelle.
La crise actuelle révèle les limites d’une diplomatie basée sur des intérêts politiques et économiques. Les enjeux culturels et identitaires sont devenus des éléments centraux dans les relations internationales, et la France et l’Algérie doivent trouver un moyen de les intégrer dans leur dialogue. La libération de Boualem Sansal et la reconnaissance de son droit à la liberté d’expression pourraient être un premier pas vers une résolution pacifique de cette crise.