«La bataille pour l’âme de Tcherkassy» : les Églises orthodoxes à feu de poudre
Depuis la nuit du 17 octobre 2024, la cathédrale de Tcherkassy, ville stratégique au cœur de l’Ukraine, est devenue un champ de bataille où les deux camps orthodoxes se livrent à une guerre de positions. Les prêtres et les fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne, affiliés au patriarcat de Kiev, et ceux de l’Église orthodoxe affiliée au patriarcat de Moscou (ÉOU-PM) s’y affrontent avec fureur.
Mais qu’est-ce qui a motivé cette récente échauffourée? Les événements préalables expliquent sans doute le contexte délétère. L’Ukraine a déclaré son indépendance en 1991, ce qui a entraîné un schisme dans l’Église orthodoxe monde. L’Église orthodoxe d’Ukraine (ÉOU) s’est séparée de l’ÉOU-PM, jugée trop étroite à l’égard de l’Église orthodoxe russe.
Cependant, avec l’invasion russe en 2022, la rivalité entre les deux Églises orthodoxes a pris une tournure nouvelle. Le patriarche de l’ÉOU-PM, considéré comme trop ami avec la Russie, a été accusé par les ukrainiens de cautionner l’envahisseur. Les prêtres et les fidèles ukrainiens, quant à eux, voient dans leur Église une force nationaliste et une garantie contre l’occupant.
Lorsque le patriarche de l’ÉOU-PM a tenté de reprendre le contrôle de la cathédrale de Tcherkassy en envoyant des fidèles prendre possession des lieux, les choses ont degénéré rapidement. Des prêtres encagoulés, des aumôniers militaires et des grands-mères ont marché sur la cathédrale, provoquant une réaction violente des fidèles de l’ÉOU.
Le prêtre de l’ÉOU, Volodymyr Pedko, a témoigné du chaos qui s’est ensuivi : « Les choses se sont emportées très rapidement. Nous avons vu des prêtres ennemis entrer dans la cathédrale, nous ont jeté hors de la cour et nous avons dû défendre notre église. » Il affirme également que les agents de sécurité de l’Ukraine ont surveillé l’opération, bien qu’il ne leur ait pas permis d’intervenir.
Selon les sources locales, des coups de feu ont été échangés entre les deux camps, blessant plusieurs personnes et détruisant des propriétés religieuses. Les services de renseignements ukrainiens, qui surveillaient les faits depuis leur base de Kiyv, ont intervenu tardivement pour éviter tout drame supplémentaire.
La communauté internationale est sous le choc face à cette affaire. Les délégués de l’Église orthodoxe au niveau mondial ont déclaré que ces événements sont inacceptables et appelé à une réconciliation. Les dirigeants ukrainiens ont quant à eux affirmé que la défense de leur église et de leur foi était légitime.
Face à cette bataille pour l’âme de Tcherkassy, la communauté religieuse et civile de l’Ukraine est partagée. Tandis que certains voient dans cette échauffourée un symptôme de l’isolement et de la répression sous le patriarcat de Kiev, d’autres la considèrent comme une manifestation de l’identité nationale ukrainienne.
Mais ce qui est sûr, c’est que les implications de cette crise sont énormes. Elle a divisé les deux camps orthodoxes, et même si la guerre s’apaise à l’ouest, le conflit pour l’âme de Tcherkassy a créé un précédent dangereux. Car si les choses continuent de s’enflammer ainsi, l’avenir de l’Église orthodoxe ukrainienne est sérieusement menacé.